De nombreux blogueurs ont souhaité que l’on parle davantage de la réligion et de la spiritualité qui sont les socles sur lesquels reposent toutes les recettes mystiques qu’ils ont l’occasion de découvrir ou expérimenter.
Certains,par scrupule ou peu informés sur la licéité de quelques recettes,ont éprouvé le désir d’en référer à la Chari’a avant toute application et avoir un avis fiable et sûr.
D’autres,autant intéressés par les recettes que par la spiritualité,voudraient pouvoir obtenir des réponses à leur questionnements et expériences spirituelles.
Avec enthousiasme il leur est dédié une rubrique distincte des « recettes mystiques ».
Elle est ouverte à tous,sans distinction de réligion,pour échanger sur les expériences spirituelles,les différents dogmes réligieux et les aspects du mysticisme dans toutes les réligions.
C’est un espace d’échange et de partage dans un esprit mutuel de comprendre la foi et les expériences de « l’autre »,celui qui pratique une réligion différente de son frère,appréhender les sources d’autres vies mystiques.
Bien que distincts,ésotérisme (recettes et formules mystiques) et mysticisme(contemplation divine) ont des points communs,source de moult confusions.
Beaucoup de blogueurs le devinent sans pouvoir se l’expliquer et,au lieu d’entretiens et échanges individuels par mail,il est utile que nous partageions nos connaissances.
De nombreux autres qui évoluent individuellement cherchent des mots à leurs maux,demandent de l’aide et un accompagnement,des explications à ce qu’ils ne comprennent pas ou plus.
Certains autres doutent de leur évolution spirituelle,se posent mille et une questions dont les réponses les apaiseraient. On redoute ce qu’on ne connaît pas…
Pour la cohérence des posts et exposés,nous souhaitons évoluer par thèmes choisis par les blogueurs,après des thèmes généraux qui seront abordés cette semaine.
Toute remarque ou suggestion bienvenue.
Davidoffolle
LE COEUR,ORGANE SPIRITUEL
Le coeur,organe biologique,est le lieu de toutes les manifestations spirituelles,ce qui lui confère une fonction spirituelle.
Cette fonction ne peut s’exercer tant qu’il est » noirci » par les impuretés et le péché,
C’est un miroir qu’il faut polir par le jeûne,les privations,qu’il faut débarrasser de ce qui l’obscurcit,le péché,l’attachement aux biens matériels,la non observance des principes religieux.
En effet,chaque faute ou péché laisse une marque sur le coeur et à la longue l’obscurcit comme il est dit dans le Coran,Sourate 83,verset 14 « Non,non! Ce qu’ils s’acquièrent rouille leurs cœurs ».
Les expériences spirituelles ne commencent qu’avec cette purification du coeur.
La profondeur des marques et tâches laissées sur le coeur spirituel sont fonction du nombre et de la nature des péchés,mineur ou majeur.
C’est pour prévenir cet obscurcissement total qu’il faut pratiquer régulièrement l’Istighfâr.
Ces marques peuvent être ôtées oû effacées par des actes spirituels déterminés en fonction du péché qui les ont values,et le zikr est le moyen le plus rapide et le plus certain,même si dans certains cas la faute demeure.
Les zikrs connus pour agir sur toutes les formes de péché et les marques qu’ils laissent sur le coeur sont :
La salat alà nabi
Lâ ilâha illallah
Istighfar
Hayou Qayoum
Les actes pieux connus pour polir le coeur sont :
Le jeûne
L’aumône
La retraite spirituelle
Les prières nocturnes
LE COEUR,BARZACH
De par ses fonctions organiques et spirituelles,le coeur est un » barzach « ,un intermonde entre le corps( fonction biologique) et l’âme( fonction spirituelle).
Il tient une position centrale qui lui permet d’être en contact avec le réel( le corps et la vie),le sensible(zâhir) et le non sensible (bâtin)
D’où un autre sens du verset 20 de la Sourate Le Miséricordieux verset 20 :
» Il a donné libre cours aux deux mers pour qu’elles se rencontrent,comme il y a entre les deux un intermonde,elles ne se mélangent pas ».
La première « mer » désigne le monde sensible et la seconde le monde spirituel.
Le coeur joue le rôle d’intermonde où les deux sources communiquent.
Lorsque ce canal de communication entre le ciel et la terre qu’est le coeur est fermé (Le Coran dit » apposer un sceau sur le coeur »),le fidèle est éloigné de Dieu et de toute piété!
Il devient sourd à tout rappel,tout prêche et s’ouvre aux lumières trompeuses du Monde au détriment de sa foi et de son salut.
Cela ne survient qu’en cas d’obscurcissement total du coeur par le nombre inqualifiable de péchés et de turpitudes sans repentir.
Ici se situe l’importance de l’Istighfâr. En effet tant que le fidèle,conscient de sa faute, demande pardon au Seigneur pour ses péchés,il ne connaîtra jamais cet état fatal pour sa foi car le coeur,même marqué conserve la capacité de se pôlir par le pardon.
Le but ultime de tous nos actes de dévotion,d’adoration et de piété est d’abord de maintenir cette communication ouverte,ensuite l’entretenir pour en retirer tout ce qui pourrait la boucher (péchés,actes d’impiété,mauvaise vie…) enfin l’élargir pour recevoir le maximum d’informations spirituelles.
L’élargir consiste à la « vider » de tout élément parasite qui pourrait corrompre ou perturber la communication. Ces éléments parasites peuvent être généraux (les marques laissées par les interdits réligieux) ou particulières à chaque individu (désir inconsidéré du Monde, quête effrenée de biens matériels…etc).
Lorsque ce canal de communication qu’est le coeur devient propre et libre de tout désir matériel et même humain,il est apte à recevoir les théophanies et illuminations divines sans aucun intermédiaire.
Toute l’aventure mystique revient à ce travail d’orfèvre qu’est pôlir le miroir du coeur afin que la communication soit complète et totale. La méthode nous est donnée : le respect scrupuleux des principes réligieux,l’ascèse et la bonté.
A chacun est transmis ce qui peut passer par son canal de communication.
Le rôle d’Ibliss est d’encombrer au maximum votre canal de communication jusqu’à la fermer totalement. Comment ? par le péché et et l’impiété qui laissent de grandes marques et parasites dans le coeur. Le combat consiste,à défaut d’éviter les péchés et leur marque,à « nettoyer » au plus vite chaque trace laissée par une faute,soit par une bonne action,soit par le jeûne,soit par l’istighfâr! Ne jamais laisser les fautes s’accumuler mais récurer régulièrement le canal de communication pour éviter qu’il se bouche totalement!
LES NOMS DIVINS DITS « ASMAOUL IDRISSIYA » OU « ASMAOUL ‘IZÂM »
Ce générique regroupe une série de 41 invocations commençant toutes par des « asmaoul housnâ »
exemple 1 : yâ hamîdal fi’âli zal manni ‘alâ jamî-i khalqihi biloutfihi : HAMÎD
exemple 2 :yâ rahima koulli sarîkhin wa makroubin wa ‘iyâssahou wa ma’âzahou : RAHIM
exemple 3 :yâ qayoûmou falâ yafoutou chayioun mine hifzihi wa la yaoudouhou QAYOUM
On ne peut aborder ces noms sans évoquer leur source et leur origine ni présenter l’ordre mystique qui nous l’a transmis :
LA CHATTÂRIYA
Formation de l’ordre mystique Chattâriya
La Chattâriya est apparue en Inde au début du XVe siècle,fondée par Abd Allah Chattârî(mort en 1485). Originaire de la région de Boukhara,il migra en Inde orientale pour s’installer. Déjà rattaché à la ‘Ichqiya et à la Suhrawardiya,deux ordres soufis,il était contrarié par l’essor de la Naqchbandiya en Asie Centrale.
C’est ainsi qu’il prétendit posséder une voie meilleure à toutes les autres,la Chattâriya, de « chattâr »,mystique qui s’est séparé du monde. Son ordre s’implanta du Bengale au Gudjarat grâce à deux disciples connus,Cheick Mouhamad ‘Alâ Qâzîn et Zuhûr Bâbâ Hâmid(mort en 1524).
Deux disciples du Bengali Zuhûr Bâbâ Hâmid,Cheick Phûl(mort en 1539) et son jeune frère Mouhamad Ghawth(1500-1562) contribuèrent à la célébrité de l’ordre après la mort d’Abd Allah Chattârî dans le Malwâ(ouest de l’inde).
La confrérie fut célèbre dans dans le sous continent indien jusqu’à la fin du XVIIIe siècle puis sombra dans l’obscurité.
De tous ses disciples,celui qui nous intéresse est :
MOUHAMAD GHAWTH (1500-1562)
Etabli à Gwalior(ville de l’Inde),Mouhamad Ghawth entreprit une retraite spirituelle sur l’ordre de son Maître.
C’est ainsi qu’il s’installa sur une montagne dite « citadelle de Jîtar »,près de Chunar dans la vallée du Gange.
Il y est resté pendant 13 ans sans contact avec aucun humain et personne ne peut dire de quoi il s’est nourri toutes ces années sans ravitaillement.
Sujet de multiples expériences et illuminations spirituelles après toutes ces années et détenteur de beaucoup de secrets mystiques et ésotériques, c’est Mouhamad Ghawth qui est descendu de la montagne avec les Asmaoul idrissiya comme il l’explique lui même dans son plus célèbre ouvrage « Jawâhîr Khamsa »,écrit en Arabe en 1522 puis réédité en Persan en 1549.
Redoutable et redouté depuis lors,auteur de nombreux prodiges grâce aux pouvoirs de ces fameux noms,certains actes frôlant la magie,des Ulémas,à tort ou à raison,émirent contre lui une Fatwa de mort pour hérésie!
Il faut dire que,grâce à lui ou à cause de lui,de nombreuses dynasties se créèrent et furent défaites dans la région.
Il dut fuir Gudjarat un moment,fatwa de mort sur le dos,et put y revenir sous le règne de Akbar(1556-1605) qui le réhabilita et lui permit de s’établir à Gwalior où il mourut et fut enterré en 1562.
Sa tombe demeure aujourd’hui encore un centre de pélérinage.
(Bibliographie :Les Voies d’Allah ,popovic et Veinstein;La Chattâriyya,Marc Gaborieau;Gûzlâril Abrâr,Mouhamad Ghawth)
Expansion de l’ordre hors de l’Inde
Grâce à un relais établi en Arabie dans les Lieux saints de l’Islam, la chattâriyya continua à jouer un rôle important dans le monde.
A la fin du XVIe siècle,un chattâri du Gudjurat,Sibghat Allah Ibn Rûh Allah(mort à Médine en 1606),élève de Wâdjîh al Din,le disciple de Mouhamad Ghawth introduisit la Chattâriyya et y popularisa les livres de Mouhamad Ghawth. Son oeuvre y fut continuée par une lignée de disciples, dont un très connu Ahmad Chinnawî(mort en 1609),qui recevaient des étudiants de diverses régions du monde.
C’est ainsi que le recueil des « asmaoul idrissiya » de Mouhamad Ghawth fut connue dans le monde arabe musulman.
Dans cette carrière hors de l’Inde,la Chattâriyya conserve une réputation d’ésotérisme et de pouvoirs magiques qui font encore recette. Le « jawâhir alKhamsa » de Mouhamad Ghawth est toujours imprimée dans le monde arabe jusqu’au Maroc.
QU’EST CE QUE DONC CES FAMEUX NOMS REVELES PAR MOUHAMAD GHAWTH?
Il faut savoir que,avant Mouhamad Ghawth,aucun ouvrage ancien ne traite des « asmaoul idrissiyya ». Seul le « Jawâhir Khams » codifie la méthode et la pratique de leur utilisation.
La version qui est imprimée et sur le marché,celle de Mouhamad Bin Bayazîd al’Athâr,est une version expurgée et résumée de la version complète,celle de Ahmad Channawî,introuvable.(j’en ai une copie consultable.Pour la petite histoire,cette copie provient d’un original volé à la bibliothèque d’Alexandrie par un des gardiens et vendu à un touriste qui m’a permis de le reproduire en 1991.Il y a prescription depuis longtemps.)
PARTICULARITE DES NOMS:
Ces séries de 41 Noms dits « idrissiyâ » sont des formules en langue arabe mais des formules qui s’affranchissent de toute règle de construction grammaticale et qu’il n’est pas permis de corriger ni rectifier.
Règles de lecture
En effet,bien que comportant des fautes évidentes de langage,ces invocations sont à réciter à la lettre,sous peine d’effets inverses,contraires ou autres que ceux souhaités.
Exemple 1
yâ hamidal fî’âli zal man-ni ‘alâ jamî-i khalqihi biloutfihi (1ere lecture)
yâ hamidal fa’âli zal man-ni ‘alâ jamî-i khalqihi biloutfihi (2e lecture)
vous remarquez que dans la 1ere lecture on pronnonce « fi’âli » et dans la 2e « fa’âli »,nuance verbale. Selon que vous choisissez l’un ou l’autre vous devenez riche ou misérable au point de manquer même du strict minimum et toute personne que vous fréquentez subit la même chose!
Exemple 2
yâ mouzilla koulla jabârin ‘anîdin biqahri ‘azîzi soultânihi (1ere lecture)
yâ mouzilla koulla jabârin ‘anîdin biqahrin ‘azîzin soultânouhou (2e lecture)
vous remarquez dans la 1ere lecture « qahri ‘azîzi soultânihi » et dans la 2e « qahrin ‘azîzin soultânouhou » soit Kasra et tanwin. Selon la lecture que vous choisissez vous n’aurez pas les mêmes résultats ni les mêmes effets,souvent contre vous mêmes.
Règles d’utilisation
Contrairement à toutes les invocations ou zikrs,il est absolument interdit d’interrompre le zikr d’aucun de ces noms une fois que l’on s’y met,même en cas de maladie. C’est un engagement à vie sous peine des pires réprésailles et calamités immédiates et les initiés le savent mieux que quiconque!!!
Ensuite,les invocations sont à faire à heures fixes et immuables. Si vous choisissez la première fois de les faire le matin ou la nuit,à telle ou telle heure,vous y êtes tenus toute votre vie!
En effet il est dit que les rawhânes des noms invoqués viennent assister à votre zikr et une fois présents à l’heure fixée sans que vous soyez en zikr,ils vous jettent des sorts ou vous souhaitent le pire,ce qui vous arribe i-né-luc-ta-ble-ment!!! Selon le nom utilisé,le délai de réprésailles varie de la journée même à trois mois sans que vous n’y compreniez rien!
A cet égard,et au vu de certaines pratiques possibles avec ces noms,des plus diaboliques aux plus étranges,certaines du kufr à l’état pur(voir « jawâhir khams),ou en relation avec des esprits supérieurs puissants et dangereux,certains Docteurs de la Loi ont décrété l’emploi de ces noms « haram » et les ont rangé dans l’hérésie.
En effet les asmaoul idrissiyâ constituent la 3e partie du « jawâhir khams » originel et ce chapitre s’intitule « Evocation des Esprits par la Récitation des Noms Divins ». Cela constitua un des arguments de l’accusation d’hérésie et la Fatwa demandant la mise à mort de son auteur,Mouhamad Ghawth.
Délai de réponse des « asmaoul idrissiyâ »
Ce ne sont pas des invocations de l’urgence. Les rawhânes attachés à chacun des noms ne sont assujetis qu’après plusieurs années de pratique,en fonction du nom évoqué, si l’on se limite à des chiffres réduits de zikr journalier tel 360 fois,commun à la plupart de ces noms.
Il est possible de réduire ou raccourcir ce temps,selon la méthode de zikr choisie,certaines demandant une bonne connaissance de l’astrologie sinon on y laisse la vie. Toutes ces méthodes sont commentées dans le « Jawâhir Khams »,ouvrage de référence. Cependant il est capital d’en recevoir l’enseignement d’un Maître car tout ce qui est écrit n’est pas ce qui est ni ce qui se fait.
PAROLES A MÉDITER:
Le développement d’une science la rend utile,accessible et agréable pour l’auditeur intelligent car sa raison peut saisir cette science indépendamment en réfléchissant.
Mais les science mystiques et ésotériques ne sont pas ainsi. Quand elles sont développées,elles s’altèrent,leur sens s’obscurcit,la raison les rejette car elle dépasse leur perception et ne peut les atteindre. Celui qui apprécie la science mystique quand elle est exposée et explicitée à une disposition et une intuition certaines pour elles. Mais ceci à condition que le coeur en soit convaincu et véritablement sûr. La raison n’y a aucune place à moins que cette science ne soit transmise par un être infaillible : dans ce cas le coeur de l’homme intelligent est rassuré. Les paroles d’un être faillible ne peuvent s’apprécier que par un initié expérimenté.
Si vous écoutez un individu qui parle de mystique en vous appuyant sur votre raison et votre compréhension,vous suivez votre compréhension et non la science qu’il vous délivre.
Non! Il faut les écouter le coeur vide,sans pré-acquis ni préjugé pour profiter de leur science et comprendre leurs paroles. Celui qui les approche,qu’il voie ce qu’ils lui apportent,prenne ce qu’il peut emporter et leur laisse ce qu’il ne peut supporter,ils en sont plus dignes que lui. Mais qu’il ne le transporte pas chez autre que ces mystiques,les conséquences néfastes se retourneraient contre lui. ( c’est en cela qu’il faut comprendre la raison de ne pas divulguer ces connaissances aux non initiés).
LA MÉDITATION (FIKR):
Ceux qui s’adonnent à la méditation méditent soit sur les Attributs de Dieu soit sur ses Actes car on ne peut méditer sur l’Essence Divine. Non seulement cela est défendu mais Dieu lui-même nous met en garde contre cela!
Ceux qui pratiquent la méditation sont » voilés » de même que ceux qui s’adonnent au zikr. Mais celui qui se contente de reproduire le zikr n’est pas voilé vis-à-vis de Celui qu’il invoque par son zikr.
Les Noms qui te rapprochent de Dieu sont les mêmes qui t’en éloignent car on ne se rapproche du Seigneur qu’en se conformant à son Ordre. Ses Noms sont ses voiles. Au delà il y a tes noms.
De même qu’il ne vient à toi que voilé par ses Noms,tu ne vas à lui que par les tiens. Telle est la quête des mystiques.
La prière de celui qui est en état d’extrême nécessité est exaucée ( Sourate Les Fourmis,verset 62),qu’il soit croyant ou impie. C’est la preuve que la proximité la plus grande est atteinte par tes noms et non par les Siens. On peut se rapprocher de Dieu par nos noms de n’importe qu’elle manière tandis que seul un croyant peut se rapprocher de Lui par Ses Noms à lui.
Le disciple qui fréquente ses contraires est en régression sur la voie. S’il fréquente ses semblables il est en distraction. S’il reste seul,il se retrouve dans la perplexité. S’il se tourne vers son Seigneur il demeure dans les voiles. S’il fréquente son Cheick,les portes lui sont ouvertes,les moyens lui sont facilités et Dieu se manifeste à lui par le Nom « Al Wahâb »(celui qui donne sans compter).
Hors du Maître point de salut,dès lors que l’on a choisi le voyage vers Dieu…
Dieu nous dit : »Et vers lui vous retournerez » dans de multiples textes du Coran. Efforcez vous de connaître le chemin par lequel vous êtes venus à l’existence car c’est par le même chemin qu’il faudra retourner à Lui.
Si vous connaissez le chemin avant le grand voyage de retour( la mort), vous serez homme d’intimité,vous y serez familiers,donc sans crainte car habitués à le parcourir. Sinon vous serez homme de solitude,terrifié,sans repères,égaré sans secours pour vous retrouver loin,très loin de votre destination…en Enfer! Dieu nous en éloigne…
ENSEIGNEMENT ET DISCIPLE:
La véritable intention,l’objectif réel d’un enseignement spirituel est de conduire à la transformation de l’Etre et non de lui proposer un nouveau système de croyance particulier.
Même si cela peut s’accompagner d’un code moral et de règles spéciales,ce n’est pas l’intention première.
La recherche de la Vérité et de la conformité à la volonté de Dieu sont cependant d’un niveau intérieur si subtil qu’un chemin précis doit être emprunté avec l’aide d’un Guide. Quelle que soit la stature spirituelle du Maître,il faut toujours des recommandations et instructions précises pouvant aider les disciples à se transformer.
Les méthodes,les techniques et les formulations peuvent être différentes mais elles concernent toutes un changement de niveau,d’état d’Etre et de conscience.
C’est à ce niveau de transformation cruciale de l’âme à l’esprit que se situe l’ascèse,passage difficile qui nécessite l’assistance d’un Maître spirituel pour conduire le disciple au-delà de son individualité limitée,des difficultés propres à ses connaissances,ses pré-acquis et son niveau psychique.
La difficulté vient du disciple lui-même,de tout ce qu’il a étudié ou acquis pour vérité,à ses certitudes et son aveuglement.
Si le chemin est difficile à emprunter,il est encore plus difficile à trouver ou identifier. Mis à part le souci de trouver le vrai guide,trouver le chemin requiert une quête sincère,ardente et persévérante du disciple qui,même avec l’appui d’un guide spirituel devra expérimenter lui-même ses propres tâtonnements.
Etre disciple demande donc une certaine qualification qui se développera et s’approfondira au cours de l’initiation intérieure. En effet,la compréhension est difficilement assimilée et changeante au départ.
Il faut un long processus de purification pour être en mesure d’intégrer peu à peu les vérités essentielles de l’enseignement. Le temps joue donc son rôle dans la quête mystique et il faut impérativement en tenir compte.
Pour passer d’un état d’être à un autre,il faut dépasser et traverser nombre d’obstacles et de pièges de la même façon qu’un navigateur doit affronter la mer,les vagues,le vent,les tempêtes,tous les éléments qui rendent la traversée périlleuse.
Dans toutes les traditions vivantes,on retrouve l’importance du Maitre spirituel,du Guide qui instruit,enseigne et oriente les élèves selon leur itinéraire personnel.
En effet,il est très difficile de concevoir un enseignement spirituel sans la présence vivante d’un Maitre qui l’incarne à la fois par sa présence,sa parole et ses instructions précises.
Le disciple étant limité par ses propres connaissances,logiques ou cartésiennes,n’est pas suffisamment outillé pour déchiffrer ou comprendre le symbolisme des enseignements car,d’un état d’être à un autre les règles sont différentes et la logique du Monde Réel n’est pas celle du Monde Spirituel.
Pour celui qui a toujours appris et su que « 1+1=2 », comment lui faire admettre et accepter ensuite que « 2=1 » si un Maître ne lui dévoile pas tout le mécanisme qui conduit à l’égalité « 2=1″ ? Parler de mécanisme sous-entend » procédé « , »étape » de démonstration. L’on comprend ainsi que l’initiation spirituelle procède par étapes,de niveau à niveau.
NAISSANCE DE LA PENSÉE MUSULMANE,LE QALAM:
Les deux grandes crises qui ébranlèrent l’Islam à ses débuts furent celle du Califat,la plus importante,et celle causée par le contact des fidèles musulmans avec les civilisations étrangères. En effet,après la rencontre des armes il y eut celle des idées. Les musulmans ont vite compris que la soumission des peuples ne pouvait plus se faire par la seule force matérielle car une plus grande force se présentait,celle de la pensée.
L’Islam avait besoin alors d’un corps de doctrines pour défendre ses dogmes.
1- Le problème du Califat
Ce problème se présenta très épineux au départ et donna naissance à trois sectes qui,loin de limiter le différend au seul champ politique,l’étendirent jusqu’aux considérations religieuses et morales.
La première secte fut celle des Khawârij qui rejetèrent catégoriquement l’arbitrage entre l’Imam Ali et Mu’âwiya et posèrent le principe de la libre élection du Calife parmi les musulmans,sans tenir compte ni de sa tribu ni de ses liens de parenté avec Rassoul ( sas ). Ils établirent ensuite et surtout que le Calife,une fois élu,ne pourra plus quitter le pouvoir ni avoir recours aucun arbitrage.Il sera destitué dans le seul cas où il n’aura pas observé fidèlement la Loi de Dieu.
En résumé le choix du Calife est démocratique puisque c’est le peuple qui choisit. D’après leurs principes donc,les califâts d’Abu Bakr et de ‘Omar sont légitimes. Celui de ‘Osman l’est tant qu’il s’est conformé à la loi;dès qu’il a commencé à destituer les gouverneurs et désigner ses propres parents à leur place il devint infidèle et il eut fallu alors le destituer.
De même,Ali était le chef légitime des croyants puisqu’il fut choisi à l’unanimité et non à cause de ses liens avec Rassoul (sas); mais il devint infidèle en acceptant l’arbitrage avec Mu’âwiya. Et,logiques avec eux-mêmes,les Khawârij,après avoir condamné Ali et Mu’âwiya comme infidèles,se choisirent un chef! Cette attitude des Khawârij,politique à ses débuts,ne tarda pas à se doubler de considérations théologique et morale,ce qui conduisit à la séparer en vingt fractions différentes.
La deuxième secte fut celle des Chi’a ( les chiites ) qui étaient partisans d’une théocratie. Mouhamad (sas) ayant été élu Prophète par Dieu et non par les croyants,il appartient à ses héritiers légitimes d’être à la tête de la communauté des fidèles. Il y avait deux héritiers légitimes,’Abbas et Ali,chacun ayant ses partisans.
La lutte s’engagea entre les deux factions comme elle s’engagea aussi entre eux et les partisans de Mu’âwiya,le gouverneur de Syrie,qui devint Calife mais que les chi’ites regardent comme un usurpateur du pouvoir.
Khawârij et chi’ites devinrent les ennemis de Muâwiya et de ses partisans,les Umayyades,qu’ils taxaient d’infidélité. Cependant,les Murji’a,qui forment la troisième secte,soutinrent que Khawârij,chi’ites et Umayyades sont tous des fidèles,et que si certains d’entre eux se sont induits en erreur et dautres non,c’est à Dieu qu’il revient de déterminer le fautif et non aux fidèles. ils appuient leur thèse sur l’argument suivant: tous les sectaires croient en Dieu et son prophète,ils ne sont donc pas des infidèles( kâfir). Et comme c’est Dieu qui connaît le fond des cœurs,nous devons nous remettre par conséquent à son jugement.
Le premier noyau des Murji’a comprenait d’abord quelques fidèles qui n’ont pas voulu participer aux luttes qui détruisaient les musulmans à la fin du califât de ‘Osman. Ils se regroupèrent ensuite en secte pour répondre aux Khawârij et aux chi’ites. On les regarde comme un groupe « d’isolés » qui ont préféré rester à l’écart et ne pas se prononcer sur tel calife ou tel fidèle.
Le principe de la situation intermédiaire
Telle fut la position de chacune des sectes envers les différents califes. Chacune de ces sectes formaient une véritable école dont les maîtres et disciples cherchaient des arguments pour appuyer leurs thèses.
Al Hassan al Basri présidait une réunion d’argumentation un jour où on lui demanda :
» Vous,homme versé dans les sciences de la religion,vous savez que de nos jours certaines gens traitent d’infidèles ceux qui ont commis un grand péché car ils soutiennent que par suite de ce péché on a quitté la communauté des croyants. Ces gens sont les Khawârij. Par contre d’autres,les Murji’a,affirment que le grand péché ne peut nuire si on a la foi et que les actes extérieurs qu’accomplit l’homme ne font pas partie intégrante de la foi. Qu’en pensez vous? »
A sa place répondit un de ses élèves: » Je ne dis pas que celui qui a commis un grand péché est absolument croyant ni absolument infidèle mais je soutiens qu’il est dans une situation intermédiaire,ni croyant ni infidèle ». L’élève,Wâsil ben ‘Ata s’eloigna ensuite d’eux,suivi dautres disciples. Al Hassan dit alors : » Wâsil se sépare de nous.il est devenu scissionniste ( mu’utazila) ».
La question qui a été posée à Al Hassan visait incontestablement les deux parties qui ont pris part à la bataille du Jamal et de Siffin ( Ali et Mu’âwiya).
Ainsi,avec Wâsil naissait une nouvelle secte,celle des Mu’utazila. Cette secte édifiera tout un système philosophique dans lequel la Raison occupe une place primordiale.
Ce furent les premiers penseurs de l’Islam,à l’origine du Qalam,philosophie religieuse islamique.
2-Le problème du déterminisme et du libre arbitre
A la fin des guerres de conquête et d’expansion,le tassement des luttes intestines, le deuxième grand problème après celui du Califât,qui préoccupa les musulmans, épineux lui aussi ,fut celui du déterminisme et du libre arbitre.
La question devait inéluctablement se poser aux conquérants qui avaient pénétré des territoires déjà influencés par la philosophie grecque,le christianisme ou le manichéisme,tels la Syrie,l’Irak et la Perse. Il est évident que la position des musulmans ne pouvait être nette sur le sujet. En effet,si des chrétiens,des juifs et des persans embrassaient la nouvelle religion,ils gardaient quand même leurs anciennes convictions sur beaucoup de sujets non résolus en Islam,parmi lesquels précisément le problème du déterminisme et du libre arbitre. Bien plus,ces nouveaux convertis exercèrent une influence considérable sur les musulmans qui se heurtaient pour la première fois à des systèmes philosophiques bien établis alors qu’eux cherchaient à en établir un. C’est ainsi que des chrétiens convertis à l’Islam propagèrent autour d’eux la croyance au libre arbitre alors que c’est plutôt la croyance à la prédestination qui prévalait déjà en Islam à cette époque.
Ce premier courant d’idées soutenant le libre arbitre était représenté,en Islam,par Ma’bad alJohni et Ghaylân alDimishqî,tous deux disciples d’un chrétien de l’Irak,nommé Susan,converti à l’Islam qu’il renia ensuite pour retourner au christianisme. Ma’abad frequentait le groupe d’alHassan alBasri et comptait déjà plusieurs adeptes à Basra. Wâsil avait donc connu Ma’abad puisque le principe du libre arbitre s’est formé autour d’alHassan. Quant à Ghaylân,fils d’un affranchi du Calife Osman,il vivait à Damas. Excellent orateur et très éloquent,il fut un défenseur très zélé du libre arbitre,il eut les mains et les pieds coupés sur ordre du calife Umayyades Hishâm ben Abdel Malik.
Les défenseurs du libre arbitre sont appelés les Qadariyya,le verbe qadara signifiant le pouvoir qu’à l’homme de produire ses propres actes et d’en être responsable.
Wâsil ben ‘Ata sera donc le continuateur de Ma’abad alJohni et le principal défenseur du libre arbitre à Basra. Il aura à combattre un autre courant,opposé et aussi puissant,celui du déterminisme dont le principal représentant est alors alJahm ben Safwân,un affranchi de Khorâssan qui vécut à Koufa.
Les déterministes sont appelés les Jabriyya,de l’arabe majbour qui signifie déterminé. Ils soutiennent que l’homme n’est point libre mais que Dieu lui a prescrit certains actes qu’il doit nécessairement exécuter. Les actes de l’homme sont donc aussi déterminés que les mouvements de son corps et ceux des corps bruts qui obéissent aux lois immuables de la physique. » De même,disent-ils,que nous disons que l’arbre produit des fruits,que la pierre tombe,que l’eau coule,que le soleil se lève,ainsi nous disons: un tel a obéi,tel autre a désobéi alors qu’en réalité les deux séries d’actes sont absolument identiques,c’est à dire déterminés « .
Il faut reconnaître que les versets du Coran sur lesquels pouvaient s’appuyer les partisans du déterminisme sont nombreux. Ainsi ces versets » Allah a mis un sceau sur leurs coeur et leurs oreilles et un voile recouvre leurs yeux. A eux est réservé un grand châtiment. » » Nous avons envoyé à chaque peuple un apôtre leur dire « Servez Allah et rejetez Thâgout. Parmi eux il en fut qu’Allah dirigea et parmi eux il en fut que l’erreur entraîna ». » Celui contre qui a été prononcé la parole du châtiment,peux-tu le délivrer du feu? ». » Mais mon avis ne vous serait d’aucune utilité; si je désirais vous aviser et qu’Allah veuille vous égarer. Il est votre seigneur et c’est à Lui que vous retournerez ».
Parler de la philosophie islamique nous ayant conduit à aborder des positions litigieuses sur le déterminisme et le libre arbitre chez les Qadariya et les Jabriya,il est important de donner la position de la Sunna sur les deux concepts.
Soulignons d’emblée que croire à la prédestination est un principe fondamental de la foi. La nier c’est rejeter la religion.
Bien que de nombreux versets coraniques valident chacun des deux courants,il est évident pour nous que la vérité se situe à un autre niveau. De tous les commandements de la Loi,nous avons des directives,des commentaires ou des explications tirées du Coran ou de la Sunna. Sauf les sujets qui touchent au déterminisme ou au libre arbitre. On nous demande d’y croire,sans plus. Ce n’est pas que Dieu et son Prophète(sas) s’y refusent mais parce que tout commentaire ou explication est au-dessus de l’entendement et la compréhension humaines. S’y aventurer c’est s’égarer certainement et absolument.
Le Messager lui-même (sas) de son vivant avait interdit d’en discuter et personne n’en discuta jamais pendant sa vie et après sa mort,ni calife ni compagnon.
Il est plus sage pour nous de les suivre et considérer toutes ces polémiques comme vaines car les partisans du libre arbitre ont été excommuniés par les quatre Imams sunnites…
MAITRE ET DISCIPLE:
Il n’est pas de méthode unique ni figée pour la direction du disciple. Certains sont aptes à l’adoration pure,à la pratique des œuvres formelles et à suivre la voie des justes; d’autres sont prédisposés et faits pour la Proximité Divine, suivre la voie des Rapprochés des êtres » désirés » par Dieu grâce à la nature de la relation de leur coeur avec Dieu et avec les autres en conformité avec la Sunna.
Chacune des deux voies,celle des Justes et des Rapprochés a ses débuts et ses étapes finales. Il s’agit de semer la graine dans la terre qui lui convient.
Le Maitre régit les êtres intimes de ses disciples. Il connaît parfaitement chaque individu et ce qui lui convient. Toute personne qui avance sur le chemin,désirant que le Guide le mène où il pense ou croit accéder fait preuve de mauvaise disposition et n’aboutira jamais nulle part.
A chacun est donné en fonction de ses dispositions selon la volonté de Dieu et le Maitre est soumis à cette même volonté car il vous dirige selon le plan de Dieu et non de lui-même.
Les relations Maitre-disciple sont particulières et n’obéissent pas à une logique rationnelle. Tantôt cordiales et franches,tantôt distantes et froides sans explication précise. C’est votre propre nature qui crée ces états et le remède se trouve dans ces réactions. Le Maitre est dans son rôle et vous n’imaginez pas un seul instant la difficulté de la tâche: vous préparer à affronter le voyage vers la Vérité…
Le Maitre et le disciple se choisissent-ils ? Tout est prédéterminé. Chaque ruisseau ou cours d’eau grossit toujours en un même fleuve qui se jette dans le même océan. L’alchimie qui réalise cela est de l’ordre de Dieu.
Tel Maître a la seule faculté de te montrer le chemin sans pouvoir t’accompagner. Tel autre pourra te conduire jusqu’à la porte du Royaume et ne pourra faire plus. Un autre aura la capacité de te conduire jusqu’au Roi. De nombreux walis se sont entendus répondre par celui qu’il pensait pouvoir leur favoriser l’illumination spirituelle: » c’est un Tel le vrai Maître qui te la donnera. Il est dans telle ville ». Certains se sont vus guider vers un Maitre par istikhar alors qu’ils ne le connaissaient pas…et ce Maître les attendait !
Dans tous les cas,si vous êtes sincères,remettez-vous en à votre Seigneur et demandez qu’il vous guide à lui. Une voie vous sera ouverte par sa Toute-Puissance.
Je ne le répéterai jamais assez, n’empruntez pas seul une voie dont vous ne connaissez pas le début,encore moins la longueur ni oú elle vous fera aboutir. Vous mangerez du pain de l’amertume et boirez l’eau du désespoir. Que d’épines et de ronces…livrés à vous mêmes,sans boussole ni repère. Que de montagnes froides et plaines désertes,que de souffrance et de douleur…
Et si jamais vous accédez un jour à la fin du voyage,la surprise est immense et vous rendra plus perplexe car vous n’y avez pas été préparés et ne possédez aucun code de déchiffrement. Le risque de mécréance est certain et peut vous être spirituellement fatal.
Seigneur,fais nous voir les choses comme elles sont et non comme elles nous apparaissent!
Seigneur,nous avons pour tout bien notre foi,ne nous la reprend pas,Seigneur,ce dépôt nous te le confions car tu es meilleur Gardien!
Seigneur pardonne aux plus faibles de notre communauté et ne nous juge pas selon la Loi ni la Justice mais selon l’immensité de ta misericorde. Nous attestons que le Messager (sas) a accompli sa mission,c’est nous qui avons failli…par ignorance! misericorde…miséricorde !
NE NOUS FIONS PAS AUX APPARENCES
Au Maroc vivait un homme connu pour sa vie ascétique,pieux et scrupuleux. il vivait de la pêche,se nourrissant d’une partie de sa pêche et faisant aumône de tout le reste. Ce cheick avait de nombreux disciples attirés par son mode de vie.
Un de ses fidèles voulut entreprendre un bref déplacement vers un autre pays de la région et s’en ouvrit au Maître qui lui dit : » Quand tu y seras,porte mon salut à mon frère,un tel,et demande lui de me faire des bénédictions car c’est un des walis de Dieu ».
Voici ce que le disciple raconte:
» J’entrepris mon voyage. L’on me conduisit jusqu’à la porte du wali dont m’avait parlé le Maître. Sa maison me parut celle d’un roi et j’en fus très surpris! Quand je demandai à le rencontrer,l’on me répondit qu’il était avec le Roi en son palais,ce qui me troubla encore plus! Après une attente d’une heure environ,il apparut dans des habits luxueux et un véhicule qui ne conviennent qu’à un roi. Mon trouble augmenta. Profondément déçu,j’allais renoncer à le rencontrer et me dit que je ne pouvais désobéir à mon maître.
On me fit entrer et je vis un grand nombre de serviteurs et un luxe insolent. Je m’adressai au maitre des lieux : « Ton frère,un tel,te transmet ses salutations ». Il me dit: » tu viens de chez lui? » Je répondis oui. Il reprit : » Lorsque tu retourneras,dis lui ceci : Jusqu’à quand désireras-tu les biens de ce monde? Jusqu’à quand t’intéresseras-tu au monde? Quand finiras donc ta recherche des biens? ». Ces mots me troublèrent plus que tout ce que j’avais observé.
Lorsque je retournai au Maroc auprès de mon maître,il voulut savoir si j’avais pu rencontrer le wali. Je répondis oui. » Que t’as-t’il dit pour moi ? ». Je répondis « rien ». Il me dit : » impossible! Tu vas me dire ce qu’il t’a dit ». C’est ainsi que je lui répétai tout ce que le wali m’avait confié.
Le maître pleura longtemps et me dit: » mon frère t’a dit la vérité. Lui,Dieu a purifié son cœur du Monde mais le lui a offert.Quant à moi,il me l’a arraché mais l’a conservé dans mon coeur ».
LA SUNNA ET LA SCIENCE DU HADITH,UNE DES SOURCES DE LA LOI ISLAMIQUE
La sunna,autre source de la loi,regroupe l’excellent comportement du Prophète (sas),indiqué par la parole,l’action,le silence de l’Envoyé de Dieu (sas). Elle trace pour le croyant la meilleure voie à suivre.
Dieu nous dit : » wa mâ yantiqou ‘anil hawâ ,il ne parle pas sous l’emprise de passion »,Sourate Najm,verset 3. Par conséquent,ses actes et propos religieux sont sous le privilège de l’infaillibilité et inspirés par Dieu.
Bien que Dieu n’ait rien omis dans le Livre ( sourate Les Bestiaux,verset 38), qui,mieux que son Messager (sas),pouvait nous commenter et expliciter le Coran,détailler,préciser et confirmer les commandements de Dieu et sa volonté ?
Beaucoup de prescriptions divines et obligations sont inscrites dans le Livre mais les détails et exécutions sont donnés et développés par celui qui les a transmis,Rassoul ( sas) lui-même. C’est ainsi que sa Sunna devient une autre source de la Loi,et,pour certains,a la même valeur légale que le Coran,donc opposable à tous les croyants.
Temoins de sa vie,les Compagnons ( sahâba) sont les mieux qualifiés,avec les Suivants ( tâbi’oûna),à un moindre niveau,pour rapporter ses paroles et ses actes. Cette première génération qui a survécu au Prophète (sas) près de 40 ans est censée avoir consciencieusement observé sa conduite. Les adeptes des Suivants s’appliqueront ensuite à recenser,consigner et communiquer tout ce qu’ils pouvaient ou pensaient savoir de sa vie et ses faits et gestes.
La Sunna « authentique » est,à l’origine,la coutume pratiquée sous les yeux du Prophète (sas),avec son accord exprimé ou tacite et soigneusement enregistré par eux. Une somme énorme d’écrits et de notes diverses et variées ainsi réunie va préciser,expliquer et compléter le Coran.
PREMIERE FORME DE LA SUNNA : LE HADITH
Dès le 1er siècle de l’hégire,la Sunna prend la forme du hadith,témoignage ou récit rapportant une décision attribuée à Mohamed(sas),la certification ( hudjat) d’une pratique quelconque ou sa confirmation.
un hadith se divise en deux parties : d’abord une chaîne ( silsilat) de personnes autorisées qui atteste que la transmission ( riwâya ) du récit s’est faite successivement de l’un à l’autre,en remontant du dernier râwî jusqu’au premier transmetteur qui l’a reçu d’un Compagnon : c’est l’isnâd,garant de l’intégrité et de la véracité du hadith.
exemple : » un Tel nous a dit,d’après un Tel qui l’a reçu d’un Tel,lequel l’avait entendu d’un Tel que ». Suit ensuite le texte du témoignage.C’est de cette formule type que naîtra un nouvel instrument législatif. Dès lors,en effet que l’on tient pour correct tout acte,toute parole ou tout jugement qui peut être justifié par une tradition rattachée à un Compagnon,lequel,témoin oculaire ou auditif d’un comportement du Prophète (sas) ,l’aura transmis comme sa volonté,la Sunna devient le moyen le mieux indiqué d’expliquer les prescriptions coraniques,une source absolue pour la science du Livre,l’établissement et le développement du dogme et des normes juridiques.
On ira ainsi parfois loin,très loin pour rechercher les hadiths. Le premier risque,vu la facilité de formulation d’un hadith( silsilat,isnâd et riwâya) fut de collecter des récits falsifiés. En effet,les hadiths vont servir d’arme de combat dans les rivalités politiques. Les Omeyyades,les ‘Abbassides et les chi’ites vont l’utiliser dans leurs polémiques et chaque secte,chaque école avait ses hadiths.
L’invention de hadiths » politiques » commence dès la moitié du 2ème siècle de l’hégire et des voix s’élevèrent contre les hadiths dont l’isnad est incomplet ou douteux. L’imam Châfi’i ( ra) est le premier des fondateurs d’école juridique qui opta catégoriquement pour leur rejet alors que l’on retrouvait des hadiths d’isnâd incomplet dans le » Mouwatta » de l’imam Malick ( ra ). La méthodologie de tri des hadiths n’existait pas encore et c’est la rédaction des grands recueils du IIIe siècle qui permettra à la critique scientifique d’apparaître dans ses traits essentiels.
A partir du IIIe siècle de l’hégire,le grand souci est de trier lès hadiths authentiques des faux. L’effort fut énorme mais l’islam,longtemps menacé par des idéologies diverses,s’acheminait enfin vers un apaisement des doctrines et prendre sa forme traditionnelle des quatre écoles juridiques Sunnites. La science du hadith jouera un grand rôle dans cette stabilisation.
LA SCIENCE DU HADITH:
La partie essentielle de la science nouvelle,la science du hadith,est la critique de la chaîne des transmissions(silsilat). L’isnâd,qui est « une des prérogatives de la religion « , a des synonymes divers qui soulignent son importance,tels » jambes du hadith », » frein et rênes » et va être l’objet de l’examen le plus minutieux. Le » matn « ,le texte effectif du hadith sera moins sollicité.
L’examen qui décide de la prise en compte du hadith ( i’tibâr) porte d’abord sur le mérite des personnages de la chaîne de transmission.
L’information ( khabar) du transmetteur est considérée comme un témoignage et soumise au mêmes règles que le témoignage en islam,tant en ce qui concerne la capacité (ahlîya) du témoin que la réception ( tahammul) du texte et sa fixation par l’audition ( sama’) ou l’écriture ( kitâbat).
La qualité de l’isnâd dépend donc de l’honorabilité (‘adl), la bonne réputation,laquelle donne lieu à une constatation de sincérité ( tazkia) ou à un reproche (djarh), autrement dit une approbation ( ta’dil) ou un désaveu ( tadjrih).
La connaissance (ma’rifa) des » hommes du hadith » conduit au classement des principaux transmetteurs en catégories successives ou séries ( tabakât) et en » autorités fortes ou faibles ». La régularité et la continuité de la transmission, la circonstance qu’un autre transmetteur originel a rapporté le même hadith,ou qu’un deuxième hadith vient confirmer,même sous une forme différente,le texte de la première,confère à l’ensemble une valeur intrinsèque essentielle.
Les tares ( ‘illa) du hadith,dont la dénonciation ( ta’llîl) ou diagnostic altère la qualité,se retrouvent donc le plus souvent dans l’isnâd qui est dit : relâché ( moursal) lorsque dans la chaîne un Suivant( tâbi’oûn) a omis le Compagnon qui le rattache au Prophète (sas), ou lorsqu’on établit que deux transmetteurs annoncés comme successifs ne se sont jamais rencontrés ! Le HADITH peut être aussi interpolé ( moudradj), interverti ( maklûb), interrompu ( mounkata’) ou discontinu ( mou’allak).
Le vice peut aussi provenir du texte. Par exemple,le hadith est anormal ( shâdhdh) en ce sens que son premier transmetteur est en contradiction avec tous les autres; il est isolé ( fard),vacillant ( mouztarab) par ses textes discordants,enfin,interpolé dans le texte. La pire des tares est la fabrication de toutes pièces du récit,que l’on fait précéder d’un isnâd correct. On a alors un hadith présumé ( mawdou’). Les hadiths peuvent être contradictoires ( moukhtalaf). Il faut alors les concilier ( jam’) en examinant les arguments qui militent en faveur de tel texte plutôt que tel autre. On aborde alors la distinction entre l’abrogeant ( nâssik) et l’abrogé ( mansoûk) commune au Coran et à la Sunna.
Selon que le hadith est indemne de ces vices ou en est atteint,il est parfait ( sahîh ) ou bon ( Hassan) ou faible ( da’îf ).
Les hadiths dits » parfaits » sont d’abord ceux qu’ont réunis deux auteurs appréciés entre tous,AlBoukhârî ( mort en 870 ) et Mouslim ( mort en 875 ), dans deux ouvrages différents baptisés Authentiques ( al Sahîhîn ) parce que les hadiths apocryphes en ont été sévèrement et très rigoureusement éliminés. AlBoukhârî,par exemple,n’a conservé que 8000 hadiths sur plus de 300 000 dont il a eu connaissance. Mais la matière du hadith parfait n’en n’est pas pour autant épuisée car la perfection a des degrés.
En effet on distingue à cet égard : 1- Les hadiths rapportés par les deux auteurs
2- Ceux rapportés par un seul d’entre eux
3- Ceux admis par aucun des deux bien que remplissant les conditions exigées par les deux
4- Ceux qui remplissent les conditions de validation d’un seul des deux
5- Le hadith parfait selon l’opinion d’autres auteurs
La perfection de ces cinq catégories de traditions est incontestable et la connaissance qu’elle établit est elle même apodictique.
Les hadiths » bons » sont ceux de provenance connue,rapportés par des transmetteurs notoires.
Théoriquement,il est difficile de distinguer les hadiths » bons » des hadiths parfaits. La question est tranchée,en pratique,par le fait que les textes ainsi qualifiés ont été groupés dans des recueils et sont mis en œuvre par tous les jurisconsultes.
Pour le musulman,le hadith reconnu comme vrai par les autorités qualifiées est une interprétation ou commentaire de la parole de Dieu et une imitation de la conduite de son Prophète.
Davidoffolle
LE MARIAGE TEMPORAIRE EN ISLAM : LICITE,TOLÉRÉ OU INTERDIT ?
Bonjour les maîtres, svp qu’est-ce que sa signifie si tu e de passage un fous te jifle sans raison, e tu riposte tu le tabasse. Sa veux dire quoi svp les maitres
La Veille (assahar)
La veille est le fruit de la faim, car le vide du ventre chasse le sommeil. Il y a deux
sortes de veilles; celle du coeur et celle de l’oeil. Le coeur est en état de veille
lorsque sortant du sommeil des insouciances, il recherche les contemplations. La
veille de l’oeil procède du désir de maintenir la puissance de l’esprit (alhimma) dans
le coeur en vue de « l’entretien nocturne » (almusamsra), car lorsque l’oeil dort
l’activité du coeur cesse; mais si le coeur veille pendant que l’oeil dort, c’est pour
atteindre finalement la vision contemplative dans le « centre secret » (sirr) mentionné
précédemment, pas pour autre chose; il ne convient pas qu’on pense à autre chose
que cela. L’utilité de la veille est le maintien de l’activité du coeur, et par cela la
progression, vers les degrés supérieurs gardés auprès d’Allah le Sublime.
Le hal qui caractérise la veille est la conservation du moment spirituel (alwaqt) avec Allah, tant chez le salik que chez le muhaqqiq ; seulement
ce dernier a dans cet état un accroissement d’attributs seigneuriaux (takhalluq
rabbanî) que ne connaît pas le salik. Le maqam rattaché à la pratique de la veille
est celui de l’Immutabilité ou de la Subsistance par soi (alQayyûmiyya). Il y a parmi
les initiés quelques-uns qui contestent qu’il soit possible de réaliser l’Immutabilité
comme vérité personnelle (tahaqquq); d’autres contestent qu’il soit possible d’en
revêtir les attributs(takhalluq). J’ai rencontré moi-même Abû Abdallâh ben Junaydî
qui contestait la possibilité du takhalluq. Quant à nous, nous sommes de l’avis
contraire, car les vérités essentielles nous ont instruit que l’Homme
Universel (alInsan alKamil) peut être porteur de tout nom de la dignité divine. S’il
y a parmi nos hommes quelqu’un qui n’admet pas ce point, c’est par manque de
connaissance de ce qu’est l’Homme dans sa vérité essentielle et selon sa
constitution; mais si un tel se connaissait soi-même il ne verrait plus aucune
difficulté.
La veille confère la connaissance de l’âme (ma’rifatunnafs).
Tels sont les fondements (arkan) de la Connaissance. Celle-ci accomplit son cycle
par l’obtention de quatre connaissances (spécifiques): Allah, l’âme, le Monde et
Satan. Lorsque l’homme s’éloigne des créatures ainsi que de sa propre âme, et fait
taire en lui la conscience du moi pour laisser place seulement à la connaissance du
Seigneur, aussi lorsqu’il se détache de la nourriture corporelle et se maintient en
état de veille pendant que les autres sont plongés dans le sommeil, lorsqu’il réunit
donc en lui ces quatre résultats, sa nature humaine est transmuée en nature
angélique, sa servitude est changée en seigneurie, son intelligence (‘aql) est
convertie en faculté intuitive (hiss), sa réalité invisible (ghayb) devient
manifeste (shahada) ! Alors lorsqu’il quitte son endroit il y laisse un
« substitut » (badal) constitué par une substance subtile (haqîqa rûhaniyya) avec
laquelle se tiennent en rapport les esprits de l’endroit: quand quelqu’un des humains
de cet endroit manifeste un désir vif de la personne absente, cette substance subtile
prend forme corporelle (tajassadat) devant ceux-ci. On lui parle et elle leur parle.
Ses interlocuteurs s’imaginent qu’ils ont affaire avec l’être véritable alors que celuici est loin de là jusqu’à ce qu’il ait terminé ce qu’il avait à faire. Cette substance
subtile peut prendre forme corporelle aussi dans le cas où celui auquel elle
appartient conçoit lui-même un désir intense de l’endroit quitté ou encore quand il y
a entre lui et cet endroit une attache qui intéresse sa force spirituelle (ta’alluqu
himmatin). Pareille chose peut arriver même à quelqu’un qui n’est pas Badal ; la
différence consiste alors en ceci que le Badal véritable en quittant son lieu sait qu’il
y a laissé un »substitut » alors que celui qui n’est pas Badal ne sait rien quoiqu’il en
ait laissé un; et l’explication de cette différence réside dans le fait que celui qui n’est
pas Badal ne possède pas (pleinement) les quatre fondements mentionnés.
La Faim (aljû’)
La faim est la troisième règle fondamentale de cette voie divine; elle entraîne la
quatrième règle qui est la veille, de même que la solitude comporte le silence.
La faim peut être d’initiative libre (ikhtiyarî): c’est la faim des salikûn. Elle peut être
aussi de force majeure (idtirarî) : c’est la faim des muhaqqiqûn ; car l’être réalisé ne
s’impose pas lui-même un régime de faim, mais (d’une façon naturelle) sa nutrition
décroît lorsqu’il se trouve dans la condition de l’intimité divine (maqamulUns) . Si
par contre, il se trouve dans la condition de la Crainte révérentielle (maqamu
lHayba), il a besoin de beaucoup de nourriture. L’augmentation de la nourriture
chez les muhaqqiqûn est un signe sûr de la violence avec laquelle les lumières de la
Vérité essentielle foncent sur leurs curs, comme effet de
l’immensité (al’Azama) découverte dans leur Contemplé; la réduction de leur
nourriture est de son côté une preuve certaine du rapport d’intimité qu’ils ont avec
leur Contemplé. Par contre l’augmentation de la quantité de nourriture chez
les salikûn est un signe de leur éloignement d’Allah et de leur renvoi de Sa porte,
ainsi que l’esclavage auquel ils sont réduits par l’âme concupiscente et bestiale (an
nafs ashshahwaniyya albahîmiyya) ; la réduction de leur nourriture est un signe que
les haleines de la grâce divine passent sur leurs curs et leur font oublier les besoins
de leurs corps.
La pratique de la faim est en tout état et de toute façon un moyen qui intercède tant
en faveur du salik que du muhaqqiq en vue de l’atteinte d’un degré plus élevé: dans
ses « états spirituels »(ahwal) pour le premier, dans ses « secrets acquis » (asrar) pour
le second. Il est toutefois entendu que le pratiquant de cette règle de la faim
n’exagère pas ainsi la durée de son maintien en état de veille, car un excès à cet
égard mènerait à l’extravagance mentale (alhawas), à la perte de la raison, ainsi
qu’au déséquilibre organique. Il n’est pas admis que le salik s’applique à la pratique
de la faim en vue d’atteindre des états spirituels autrement que par ordre d’un maître
initiatique, Cheikh. De sa propre initiative il ne pourra pas s’y adonner, mais il lui est loisible lorsqu’il est seul (sans directeur spirituel) de réduire la quantité de sa
nourriture et de pratiquer le jeûne ordinaire d’une façon continuelle (istidamatus
siyam), ainsi que de ne prendre qu’un seul repas par jour. Si parfois il veut manger
gras qu’il n’en use pas plus de deux fois par semaine s’il veut être en profit; cela
jusqu’à ce qu’il ait trouvé un Cheikh, et lorsqu’il l’aura trouvé il n’aura plus qu’à
remettre son sort entre ses mains et celuici s’occupera alors de son cas et de tout ce
qui concerne ses états.
La faim a un hal et un maqam. Le hal est caractérisé par l’humilité, la soumission,
la modestie, la douceur, l’esprit de pauvreté, l’absence de vanité, la tenue calme,
l’absence de pensées viles: tel est le hal des salikûn ; quant à celui
des muhaqqiqûn il est fait de finesse, de pureté, d’affabilité, d’éloignement du
monde, de transcendance par rapport aux caractères de l’humanité ordinaire par la
vertu de la puissance divine et du pouvoir seigneurial.
Le maqam est celui de la Sustentation universelle (almaqam assamadanî). C’est
une condition très élevée caractérisée par des secrets intellectuels (asrar), des
dévoilements contemplatifs(tajalliyat) et des états spirituels (ahwal) que nous
avons mentionnés dans notre livre intitulé Mawaqi’ anNujûm, au chapitre relatif au
Coeur; cela ne se trouve toutefois que dans certains exemplaires du dit livre, car je
l’avais complété sur ce point à Bougie en l’année 597, après qu’il en était déjà sorti
partout beaucoup de copies qui ne portaient pas des précisions sur cette demeure
initiatique.
Telle est l’utilité de la faim en vue de l’obtention de l’énergie spirituelle (himma). Il
n’est pas question ici de la faim ordinaire; celle-ci peut être pratiquée en vue du
rétablissement de l’équilibre organique et du bienêtre du corps, rien de plus.
La faim procure la connaissance de Satan (ma’rifatu shShaytan); qu’Allah nous
préserve ainsi que vous-mêmes du mal de celui-ci.
La Solitude (al’uzla)
La solitude est un moyen d’assurer le silence de la langue; en effet celui qui s’écarte
des hommes et n’a personne avec qui s’entretenir est, d’une façon naturelle, amené à
renoncer aux paroles.
L’isolement est de deux sortes: celui des aspirants (almurîdûn) qui consiste dans le
fait d’éviter de se mêler matériellement aux autres, et celui des connaisseurs
sûrs (almuhaqqiqûn) qui consiste dans le fait d’éviter intérieurement le contact des
choses créaturelles. Les curs de ces derniers n’offrent de place qu’à la Science par
Allah (al’Ilmu biLlAh) qui constitue ce Témoin de la Vérité(ShahidulHaqq),
résultant de la pratique de la contemplation et résidant dans le cur.
Ceux qui pratiquent l’isolement ont trois mobiles spirituels: 1) la crainte du mal
provenant des hommes; 2) la crainte de faire du mal au prochain; ce point est plus
important que le précédent, car dans le premier il est question d’une mauvaise
opinion au sujet des autres, alors que dans le deuxième, la mauvaise opinion se
rapporte à soi-même; or la mauvaise opinion au sujet de sa propre âme est plus
grave car tu te connais mieux (que tu ne connais les autres); 3) le désir de rendre
permanente la compagnie du Maître que l’on a du côté de l’Assemblée Sublime.
Ainsi l’homme supérieur est celui qui se fuit soi-même pour obtenir la compagnie
de son Seigneur. Celui qui préfère la solitude à la fréquentation des autres, de ce
fait même préfère son Seigneur à ce qui est autre que Lui; or à celui qui préfère son
Seigneur, personne ne peut savoir quels dons et secrets Allah lui accorde. La
solitude est éprouvée dans le cur seulement du fait qu’on a quitté une chose et du
fait de se trouver en intimité avec Celui vers lequel on s’est retiré et qui fut la cause
du désir d’isolement.
La solitude remplit par elle-même aussi la condition du silence, car celui-ci en
découle en mode nécessaire; ceci s’entend naturellement du silence de la langue.
Quant au silence du cur, l’isolement ne l’apporte pas nécessairement car quelqu’un
peut s’entretenir en soi-même « autrement que par Allah » et « avec un autre
qu’Allah ». C’est pour cela que nous avons considéré le silence (dans son ensemble)
comme règle indépendante de la voie.
Celui qui s’attache à la solitude découvre le « secret » de l’Unicité
divine (alWahdaniyya alilàhiyya), et cela lui procure plus spécialement, en fait de
connaissances et secrets, les secrets de l’Unité(alAhadiyya) en tant que qualité (sifa). Le hal propre de la solitude consiste dans le détachement des
attributs, qu’il s’agisse de l’initié ordinaire (assalik) ou de celui qui a déjà la
réalisation(almuhaqqiq). Le plus haut mode de l’isolement est la « retraite » (al
khalwa) car celle-ci constitue un isolement dans l’isolement; aussi son fruit est-il
plus précieux que celui de l’isolement ordinaire.
Celui qui pratique l’isolement doit avoir une certitude au sujet d’Allah, afin qu’il
n’ait aucune obsession qui lui ramène la pensée hors de la chambre où il se tient; s’il
manque de certitude, qu’il prépare à l’avance sa force en vue de l’isolement, afin
qu’il soit renforcé dans sa certitude par ce qui se dévoilera à lui dans sa solitude.
Ceci est une chose indispensable et une des règles fermes qui conditionnent la
pratique de l’isolement.
La solitude procure la « connaissance du Monde » (ma ‘rifatud Dunya).
Le Silence (Al Samt)
Le silence est de deux sortes: « silence de la langue », consistant dans l’abstention de
parler autrement que par Allah (bighayriLlâh) ou « avec un autre qu’Allah » (ma’a
ghayriLlâh), ces deux conditions étant solidaires; « silence du cur », consistant dans
le rejet de toute pensée survenue dans l’âme et traitant de choses créées. Celui dont
la langue se tait, même si son cur ne se tait pas, allège son fardeau; celui dont la
langue et le cur se taisent tous les deux, purifie son « centre secret » (sirr) et son
Seigneur s’y révèle; celui dont le cur se tait, mais dont la bouche parle, prononce les
paroles de la Sagesse; mais celui dont ni la langue ni le cur ne se taisent est objet de
Satan et soumis à sa domination. Le silence de la langue est un des traits ordinaires
de tous les hommes spirituels (al’âmma) et de tous les maîtres de la voie (arbâbu-ssulûk). Le silence du cur est parmi les caractères distinctifs des
« rapprochés » (almuqarrabûn) qui sont des gens de contemplation. Le hâl (l’état)
que le silence assure aux « progressants » (assâlikûn) est la préservation des
malheurs, et celui qu’il favorise chez les « rapprochés » est l’entretien dans la
familiarité seigneuriale. Celui qui observe le silence en tout état et sous tous les
modes, n’a d’entretien qu’avec son Seigneur, car il est évident qu’un silence absolu
est impossible pour l’homme en son âme; mais en se détachant de la conversation
avec les autres vers l’entretien avec son Seigneur, il devient un confident
« rapproché », bien assisté dans sa parole; et s’il parle ensuite, il le fait selon la
justice, car il parle « selon Allah » (‘aniLlâh) ainsi qu’on le voit dans ce qu’Allah dit
au sujet de Son Prophète: « Et il ne parle pas selon la passion » (Coran, 53, 3). La
parole juste est fruit du silence en tant qu’abstention de fauter (par la parole). La
parole « avec un autre qu’Allah » est une faute en tous cas, de même que la parole
« autrement que par Allah » est un mal sous tous les rapports. Allah dit: « Dans
beaucoup de leurs entretiens il n’y a pas de bien, excepté celui qui ordonne de faire
l’aumône, ou ce qui est acceptable, ou ce qui rétablit le bon ordre parmi les
hommes » (Coran, 4, 114). Allah dit aussi: « Et on ne leur avait ordonné que d’adorer Allah en lui offrant un culte sincère » (Coran, 98, 5).
A l’état du silence se rattache le maqâm de la Révélation (alwahy), avec ses
différents modes.
Le silence produit la « connaissance d’Allah » (ma’rifatuLlAh) .
Nous avions autrefois à Marchena, en pays andalous, un compagnon d’entre les
saints hommes dont l’occupation était d’enseigner le Coran. C’était un excellent
juriste, sachant par coeur le Coran et les hadîth, homme de piété et de mérite, toujours au service des fuqarâ’: son nom est Abdu-l-Majîd ben Selmah. Il m’a raconté –
puisse Allah lui être propice – une chose qui lui est arrivée: « Une nuit, disait-il,
pendant que j’étais dans la chambre où je fais d’habitude mes prières, je venais de
terminer mon oraison (hizb) et j’avais placé ma tête entre mes genoux pour vaquer à
l’invocation(dhikr) d’Allah; alors je constate qu’une personne survient, qui retire
l’étoffe sur laquelle je priais et la remplace par une natte grossière. Ensuite cet être
me dit: « Fais tes prières sur cette natte »! Or j’avais verrouillé la porte de ma
chambre alors que j’étais tout seul. La frayeur s’empara de moi. L’homme me dit:
« Celui qui vit dans l’intimité d’Allah ne s’effraye pas »! Et il ajoute: « Mais crains Allah en tout état »! Alors j’eus une inspiration et je lui demandai: « O, Sîdî, par
quels moyens les Abdal arrivent-ils à être Abdal »? Il me répondit: « Par les quatre
qu’a mentionnés Abû Tâlib (al-Makkî) dans la « Nourriture (des Coeurs) »: le silence,
la solitude, la faim et la veille ». Alors il disparut sans que je sache comment il avait pu entrer ni sortir, car la porte était restée toujours fermée. Cependant la natte qu’il m’avait donnée était sous moi ». Cet homme était d’entre les Abdal; son nom est
Mu’âdh Ibn Ashras – qu’Allah soit satisfait de lui! Les quatre choses qu’il a
mentionnées sont les piliers et les supports de cette noble voie. Qui ne prend pas
son appui sur elles et n’obtient pas par elles la stabilité, erre hors de la voie d’Allah –
qu’Il soit exalté!
Notre propos dans ces pages est de parler de ces quatre points en consacrant à
chacun une section pour y mentionner les idées et les états spirituels qu’ils
comportent. Qu’Allah nous mette, nous et vous, parmi ceux qui les pratiquent
toujours et les réalisent. Certes, Il a tout pouvoir pour cela!
La fonction des Quarante :
La tradition prophétique rapporte que quarante êtres spirituels vivent sur terre cet état qualifié d abrahamique .
Ce sont des hommes et des femmes qui ont vécu cette extinction suprême.
Personne ne dit qui ils sont mais ils vivent au sein de l humanité dans cet état de conscience universelle .
C est pour eux et par eux que la miséricorde divine
S’incarne dans le monde manifesté ,que la vie se perpétue au fil des générations comme le rapporte le hadith suivant :
La terre n est jamais privée de la présence de quarante
hommes à l ‘image de l’ami intime du miséricordieux (Abraham).Par eux vous recevez subsistance et victoire ; quiconque parmi eux décède ,Dieu le remplace par un semblable.
Ce sont les quarante qui maintiennent en vie l Âme universelle ,expression même de l état du monde .
Ils sont la conscience de l humanité à son degré le plus élevé.
Cette âme universelle a un Coeur et ce Coeur est cette conscience divine qui diffuse sur terre ses bienfaits par l entremise d êtres réalisés ,au nombre de quarante.
L’extase de Abu Yazid Al-Bistami :
Abu Yazid al-Bistami (777 à 848) est un ascète solitaire. Il vivra presque toute sa vie dans sa ville natale de Bistam en Iran… Il prône la sédentarité.
« L’homme vraiment homme est celui qui reste assis et à qui les choses
viennent, ou parlent, où qu’il soit ».
« Je suis où Mon serviteur M’évoque en pensée » Et toute chose lui advient sans qu’il bouge et sans peine viennent à lui l’Orient et l’Occident au complet… Comprends cela. Les choses Le poursuivent, et Lui ne pourchasse rien. C’est que les choses accèdent à l’être par Dieu ».
Il s’adonne à une ascèse implacable.
« Douze ans, j’étais le forgeron de mon moi, cinq ans le miroir de mon cœur. En une année, je guettais ce qui germait entre eux deux. Or je vis que j’étais ceint à la taille par un zonnâr (ceinture spéciale)… Je m’appliquais à le couper, douze ans. Je m’observais encore. Je découvris qu’un autre zonnâr me liait en dedans. Je le coupais, de nouveau, cinq ans tout en me demandant comment en finir, ce qui me fut révélé. Et je regardai du côté des créatures et je vis qu’elles étaient toutes mortes ; à leur mémoire j’entonnai quatre fois le takbir ».
Bistami critique les dévots « serviteur simulateur en ses œuvres, briguant la louange et l’éloge des autres ».
« Ils (les croyants) font l’éloge de Dieu et le dévot croit qu’ils font leur propre éloge ».
Il remet en question leur connaissance en l’opposant à celle qui vient directement de l’expérience interne : « Il y a deux sciences : la science évidente qui est la preuve de Dieu pour Ses créatures ; et la science ésotérique qui contient le savoir salutaire. Ta science, ô docteur, fut transmise, d’une voix à l’autre, pour l’enseignement, non pour l’œuvre… Et ma science, ce sont les inspirations qui me viennent de Lui ».
Pour lui, « Le savant n’est pas celui qui emprunte sa connaissance à quelque livre et qui devient ignorant quand il oublie ce qu’il a appris. Le vrai savant est celui qui reçoit, quand il veut, sa connaissance de son Seigneur, sans étude, ni enseignement ».
Son comportement n’est pas en accord avec les conventions sociales :
«Abû Yazid n’assistait pas aux funérailles, ni n’allait présenter ses condoléances, il ne rendait pas non plus visite aux malades. On lui dit :
– Jadis, les saints rendaient visite aux malades, assistaient aux funérailles et allaient présenter leurs condoléances.
Il répondit:
– Ils agissaient ainsi guidés par leur raison; ils ne sont pas comme moi qui suis dépossédé de ma raison ».
Pour lui, « ce monde est le miroir de l’au-delà. Qui observe à travers ce miroir de l’au-delà est sauvé. Et qui s’en divertit est perdu : il aura obscurci son miroir ».
Il s’appuie sur le souvenir de Dieu, le dikhr.
« Le serviteur ne pourra aimer son Créateur s’il ne s’épuise à solliciter Son consentement, secrètement et publiquement : Ainsi Dieu apprendra-t-Il en regardant le cœur d’un tel serviteur que celui-ci ne désire que Lui ».
Il s’agit d’une invocation intérieure : « L’invocation de Dieu à voix haute est une insouciance ».
Son Dessein est de fusionner avec la divinité, de vivre dans son intimité.
« Le serviteur déléguant sa décision à Dieu Très Haut, content de Son don, le cœur reposant en Lui, sans mouvement en Sa demeure, Le mandatant en toute affaire, souhaitant devenir Son intime et Son proche courtisan, ne désirant, d’ici- bas et de l’au-delà, rien d’autre que Lui ».
La répétition incessante de l’invocation devient une présence affective qui l’accompagne à tout moment dans le monde :
« Quel est le signe le plus glorieux de l’initié ?
Il partage ta table, se mêle intimement à toi, te rend hommage tandis que son cœur demeure dans le royaume du sacré ».
Son désir d’être dans l’intimité de la divinité est obsessionnel comme un état amoureux.
« Dans mon cœur Tu as semé le grain d’amour Avant le jour de l’Appel serai-je soulagé
Dans l’union Tu m’as blessé le cœur
Le désir croît dès qu’apparaît l’amour ».
Abû Yazid dit :
« – Dieu Très Haut dit : Si Mon serviteur fait de Moi son occupation dominante, Je mettrai son appétit et sa délectation dans Mon invocation, Je lèverai le voile entre lui et Moi et serai l’image qui ne quitte plus ses yeux ».
Ce Dessein est si profond et si puissant qu’il commence à prendre une vie propre :
« Je m’étais trompé au début de mon affaire : j’avais cru que je L’invoquais et voici que Son invocation avait précédé la mienne; j’avais pensé que je Le sollicitais et que je Le connaissais, mais Sa connaissance avait devancé la mienne; j’avais estimé que je L’aimais, pourtant c’est Lui qui m’avait le premier aimé, et je m’étais figuré que je L’adorais tandis qu’Il avait déjà mis à mon service les créatures de la terre ».
Bistami manifeste ouvertement son désir d’esseulement devant la pure unité divine. Pour cela, il se retirait du monde et de ses stimuli. Il s’était construit un réduit pour ses retraites à côté de la Mosquée. « Quand Abû Yazid souhaitait s’isoler, il entrait dans une maison et en bouchait tous les orifices pour que n’y pénétrât plus une voix qui le distrairait de son Seigneur ».
Ensuite, il s’appuyait sur le dhikr pour entrer en lui-même en réduisant les stimuli des sens externes.
« Par quel moyen parvient-on à Dieu, Très Haut ? – Par la mutité, la surdité , et la cécité ».
Il incitait ses disciples à ne pas se laisser distraire par l’imagination.
« Ne charge pas ton cœur d’une idée Le concernant, tu risques de L’assimiler à ce qu’Il n’est pas. Méditant Son attribut, tu Le trouves ; imaginant Son essence, tu Le perds ».
Il évoque la nécessité d’aller au-delà-du « moi » qui est un voile, pour entrer dans les espaces sacrés.
« Si tu jeûnes et pries trois cents ans… tout en demeurant tel que tu es, tu ne découvriras pas un atome de cette science.
– Pourquoi, maître ? – Parce que tu es voilé par ton moi ».
Le mécanisme de l’invocation lui-même peut-être un empêchement, s’il n’y a pas une écoute profonde tendue vers l’intérieur qui conduit vers le silence.
« J’avais, pendant trente ans, invoqué Dieu. Puis, je me suis tu. C’est alors que je découvris que mon invocation était mon voile ».
C’est par la concentration sur l’essence de Dieu qu’il veut parvenir à l’annihilation de soi (fanâ), concept qu’il est l’un des premiers à formuler :
« Au plus secret du cœur je T’évoque Je suis anéanti Tu demeures
Mon nom est effacé
Effacés les vestiges de mon corps Tu me réclames je réponds,
Il n’y a que Toi… C’est Toi qui me console
Par l’œil de l’imagination… Où que je me trouve Tu es là ».
« Je vis le Seigneur de Gloire en rêve. Je lui dis : – Comment aller vers Toi?
Il répondit : – Laisse ton moi et viens ».
« Comment est la voie ? – Sois absent à la voie, tu atteindras Dieu ».
« L’ayant connu par moi-même, je fus anéanti. Le connaissant par Lui, je survis ».
Il est aussi le premier mystique à définir ses expériences mystiques comme « mi’raj », l’ascension nocturne du Prophète. Cela lui vaudra d’être banni plusieurs fois de sa ville natale.
« Il (Dieu) me ravit une fois et, me plaçant devant Lui, me dit : « Ô Abu Yazid ! Mes créatures désirent te voir. – Et je lui dis : embellis-moi de Ton unicité, revêts-moi de Ton ipséité, et ravis-moi en Ta monéité, afin que lorsque Tes créatures me verront, elles disent : Nous T’avons vu, – que Tu sois Cela, que je ne sois plus là ».
Dans plusieurs de ses visions, Bistami se retrouve transporté dans des paysages mentaux différents, ce qui témoigne d’une expérience du sacré sous la forme de ravissement. « Le ravissement (est) caractérisé par une agitation émotive et motrice incontrôlable dans laquelle le sujet se sent transporté, emporté hors de lui, vers d’autres paysages du mental, d’autres temps, d’autres espaces »… Il s’agit d’un des cas extraordinaires de conscience du Sacré faisant partie des structures de conscience inspirée.
Bistami n’a pas laissé d’écrits. Ses disciples ne se sont regroupés qu’un siècle après sa mort pour réunir quelques fragments et sentences isolés qui sont mêlés à des éléments de légende.
Ces dits sont pour la plupart des locutions théopathiques, c’est-à-dire des phrases prononcées au cours de ce que les Soufis considèrent comme un état d’extase. Elles sont souvent choquantes, paradoxales, à la limite de l’hérésie.
« Quelqu’un frappa chez Abû Yazid.
Qui demandes-tu ? – Abû Yazid.
– Pars, prends garde! Il n’y a que Dieu dans cette maison ».
« – Ils sont tous Mes esclaves, sauf toi qui es Moi ».
« Louange à moi, louange à moi ! Je suis mon Seigneur, Très Haut ». « Je me suffis à moi, je me suffis ».
« Je suis moi, point de Dieu hormis Moi, adorez-Moi ! Ils dirent
Abu Yazid est devenu fou et ils le laissèrent ».
« Louange à moi, louange à moi, que mon pouvoir est grand ».
Certains disent qu’étant revenu à lui et ayant appris ce qu’il avait dit, il se montrait terrorisé. Lorsqu’il déclame ces allocutions, sa conscience est de toute évidence dans un état altéré. Il y a perte de la réversibilité et une forte exaltation émotive due à l’image si chargée de la divinité… Le procédé du dhikr,lui permet une intériorisation chaque fois plus profonde du moi jusqu’à l’immersion en lui-même. Il semble d’après les quelques descriptions que nous avons, qu’il s’agisse plutôt là d’état de transe dans lequel il y a substitution du moi par l’image de la divinité plutôt que d’un état d’extase.
Même si Bistami a été le premier à parler de l’anéantissement, (suspension) du moi (fanâ), nous n’avons pas trouvé dans les quelques descriptions rencontrées d’indicateurs qui indiquent de façon claire une suspension du moi et une entrée dans le Profond. Il nous semble qu’il y ait plutôt un déplacement et non une suspension du moi.
Il est opportun de rappeler ici les caractéristiques de la transe et du déplacement du moi décrites par Silo dans Notes de Psychologie : « dans différentes cultures, l’entrée en transe a lieu par l’intériorisation du moi et par une exaltation émotive dans laquelle l’image d’un dieu, d’une force ou d’un esprit, qui prend et supplante la personnalité humaine, est coprésente. Dans les cas de transe, le sujet se met à disposition de cette inspiration qui lui permet de capter des réalités et d’exercer des pouvoirs inconnus de lui dans la vie quotidienne ».
Il y a perte de la réversibilité et perte du contrôle de l’expérience ce qui ne permet pas l’entrée dans le Profond.
Pour Junayd, Bistami « en est resté au début, mais il n’a pas atteint l’état plénier et final »… Pour Hallâj, « il en était arrivé au seuil de la locution divine », mais ce qui le bloqua fut l’obstacle de son moi. « Il ne sut pas reconnaître où et comment devait se faire l’unification de l’âme avec Dieu ».
Bistami aura cependant une énorme influence sur les confréries soufies et représentera la voie de l’ivresse mystique (sukr). Même s’il prônait une voie opposée de sobriété, Junayd déclarera :
« Abu Yazid est parmi nous comme Gabriel parmi les anges ».
L’Amour mystique de Râbi’a al Adawiya :
Râbi’a est née en 95 de l’hégire (713 après J.-C.). Orpheline très jeune, elle aurait été vendue comme esclave. Selon la tradition, son maître l’aurait vu absorbée dans la prière nimbée de lumière et l’aurait affranchie. D’autres sources disent qu’elle était joueuse de flûte et prostituée. Elle se serait ensuite retirée dans le désert puis à Basra. Là, un petit cercle de disciples commence à se regrouper autour d’elle. Sa vie est alors d’un ascétisme extrême. C’est la première à aller au-delà de cet ascétisme et à introduire l’amour mystique. Elle le désigne par le mot hubb, terme très fort puisqu’il est utilisé dans le Coran pour décrire un amour réciproque entre Dieu et les hommes .
Elle prêche un amour gratuit et absolu, le seul digne de Dieu. « On raconte que lorsqu’elle faisait la prière du soir, et se tenait debout sur le toit de sa maison, en serrant son voile et sa chemise, elle disait : « Mon Dieu, les étoiles resplendissent, les yeux dorment, les rois ferment leurs portes, chaque amant se retire avec son aimée. Et me voici : je demeure entre Tes mains. » Puis elle s’adonnait à la prière jusqu’à l’aube ».
Bien que n’ayant reçu aucune éducation, certains des plus grands savants de son temps lui rendront visite reconnaissant qu’elle avait atteint des demeures très élevées.
On demanda à Râbi’ a :
« Comment as-tu atteint cet état suprême de la vie spirituelle ? – En répétant toujours ces mots, répondit-elle :
« Mon Dieu, je prends refuge en Toi contre tout ce qui me détourne de Toi. Contre tout ce qui s’interpose entre Toi et moi.
Je T’aime de deux amours : l’un, tout entier d’aimer, L’autre, pour ce que Tu es digne d’être aimé.
Le premier, c’est le souci de me souvenir de Toi, De me dépouiller de tout ce qui est autre que Toi.
Le second, c’est l’enlèvement de tes voiles Afin que je Te voie.
De l’un ni de l’autre, je ne veux être louée, Mais pour l’un et pour l’autre, louange à Toi » ! Elle abandonne sa vie entièrement à son Dessein.
« Te marieras-tu un jour ? demanda Hassan al-Basri à Râbi’a
– Le mariage, lui répondit-elle, est utile à qui peut choisir. Quant à moi, je n’ai pas le choix de ma vie. Je suis à mon Seigneur et vis dans l’ombre de ses commandements… Ma personne n’a aucune valeur.
– Comment en es-tu arrivée là ? lui demanda-t-il encore.
– Par mon abandon au Tout ».
Le fait de ne rien placer entre elle et Dieu la fit renoncer à se marier, mais aussi à ne pas accorder d’importance spéciale au Prophète dans sa dévotion.
Un jour qu’il était assis devant Râbi’a, Al Thawri lui fit cette demande :
« Apprends-nous les merveilles de la sagesse que Dieu t’a révélées !
– Heureux serais-tu, s’exclama-t-elle, si tu n’aimais pas le monde » !
Et pourtant Al-Thawri était un ascète et un sage. Mais elle considérait que scruter les paroles du Prophète et rechercher les hommes étaient déjà le premier pas vers le monde.
Elle dit un jour à Sufyan :
« Quel homme extraordinaire tu serais si seulement tu ne désirais pas le monde !
– En quoi peut-on dire que je le désire, demanda t-il ?
– Dans les dits et les faits du Prophète, répondit-elle. Dans les hadiths, c’est là qu’est ton désir du monde » !
Non seulement elle ne souhaite aucun intermédiaire, mais elle voulait aussi ôter tout voile qui lui empêcherait de voir Dieu pleinement.
Un jour, un groupe de jeunes gens vit Râbi’a qui courait en grande hâte, du feu dans une main et dans l’autre de l’eau.
Ils lui demandèrent : « Où vas-tu ainsi, Maîtresse ? Que cherches-tu ?
– Je vais au ciel, répondit-elle. Je vais porter le feu au Paradis et verser l’eau dans l’Enfer.
Ainsi le Paradis disparaîtra, et l’Enfer disparaîtra, et seul apparaîtra Celui qui est le but ».
Râbi’a aime Dieu de façon libre, ni par peur de l’enfer, ni par espoir du paradis ou de faveurs qui seraient, elles aussi, un voile entre elle et Lui.
Elle entendit un lecteur du Coran proclamer :
« Ce jour-là, les habitants du Paradis auront en toute chose leur délices.
– Malheureux les habitants du Paradis, soupira-t-elle alors, eux et leurs femmes » !
Cet amour est dévorant, obsessif et la consume constamment : « Combien de nuits avec mes passions et mes peines,
Laissant couler de mes yeux des ruisseaux de larmes !
Aucune de mes larmes n’est remontée Et mon Union avec Lui n’a pas duré.
Mon œil blessé ne dort jamais ».
« Ô but de mon désir, me brûleras-tu de ton feu » ?
Après une nuit passée dans la prière, elle chantait à l’aube :
« Ô ma joie, mon désir, ô mon appui,
Mon compagnon, ma provision, ô mon but,
Tu es l’esprit du cœur, Tu es mon espoir,
Tu es mon confident, mon désir de Toi est mon viatique.
Sans toi, ô ma vie, ô ma confiance,
Je ne me serais jamais lancée dans l’immensité du pays.
Combien de grâce s’est montrée,
Combien de dons et de faveurs Tu as pour moi !
Désormais ton amour est mon but et mon délice Et la splendeur de l’œil de mon cœur assoiffé.
Tant que je vivrai, je ne m’éloignerai pas de Toi. Tu es seul maître de l’obscurité de mon cœur.
Si Tu trouves plaisir en moi, alors, ô désir du cœur, ma joie débordera » !
Elle vit dans ce monde, mais avec les yeux constamment tournés vers l’autre monde. Son Dessein de s’unir avec Dieu est si puissant, si obsessif, qu’il a sans aucun doute aspiré Râbi’a vers les espaces sacrés, vers le Profond. Nous n’avons pas de trace claire du procédé utilisé, mais les témoignages qu’elle a laissés à ses disciples nous font apparaître des indicateurs qui pourraient refléter la suspension du moi et la traduction de réminiscences postérieures.
On demanda à Râbi’a comment elle voyait l’amour :
« Entre l’amant et l’aimé, dit-elle, il n’y a pas de distance.
Il y a seulement ce que dit la nostalgie, ce que décrit le goût.
Qui a goûté a connu. Mais qui a décrit ne s’est pas décrit.
En vérité, comment peux-tu décrire une chose quand, en sa présence tu es absent, en son existence tu es dissous, en sa contemplation tu es défait » ?
Prière de Râbi’a al-‘Adawiya :
« Ô mon Dieu, tout ce que Tu m’as réservé en fait de choses terrestres, donne- les à Tes ennemis; et tout ce que Tu m’as réservé dans le monde à venir, donne-le à Tes amis; car Tu me suffis.
Ô mon Dieu, si je T’adore par crainte de l’enfer, brûle-moi en enfer, et si je T’adore par espoir du paradis, exclus-moi du paradis; mais si je T’adore uniquement pour Toi-même, ne me prive pas de Ta beauté éternelle.
Ô mon Dieu, ma seule occupation et tout mon désir en ce monde, de toutes les choses créées, c’est de me souvenir de Toi, et dans le monde à venir, de toutes les choses du monde à venir, c’est de Te rencontrer….
« Il en est pour moi ainsi que je l’ai dit; mais Toi, fais tout ce que Tu veux ».
Extrait de la lettre N 13
Nous voyons d’ailleurs que le but spirituel n’est pas atteint par beaucoup d’oeuvres ni par peu, mais par la seule grâce, ainsi que le dit le saint Ibn ‘Atâ-Llâli (que Dieu soit satisfait de lui) dans ses Hikam: « Si tu ne devais parvenir à Lui qu’après l’extinction de tes défauts et l’effacement de tes prétentions, tu ne parviendrais jamais à Lui. Mais lorsqu’Il veut te ramener vers Lui, Il recouvre ta qualité par la Sienne et tes attributs par les Siens et te ramène ainsi vers Lui
par ce qui te revient de Sa part, non pas par ce qui Lui revient de ta part.
Un des effets de la bonté, grâce et générosité divines, c’est qu’on trouve le maître qui éduque spirituellement, car sans grâce divine personne ne le trouverait ni ne le reconnaîtrait, puisqu’il est plus difficile de connaître un saint que de connaître Dieu, comme le dit le saint Abul-‘Abbâs al-Mursi (que Dieu soit satisfait de lui). De même, dans les Hikam de Ibn ‘Atâï-Llâh, il est dit: « Exalté soit Celui qui ne manifeste Ses saints que pour Se manifester Lui-même, et qui ne conduit vers eux que ceux qu ‘Il veut conduire vers Lui. »
Lettres d’un maître soufi-Le sheikh Al-‘Arabi Ad-Darqâwî – Traduit par Titus Burckhardt- Lettre 11 – « Occupez-vous donc de ce qui tue votre ego (nafs) et vivifie votre coeur' »
Occupez-vous donc (que Dieu vous soit miséricordieux) de ce qui tue votre ego (nafs) et vivifie votre coeur. La racine de toutes les vertus en tant que vertu c’est que le coeur soit vide de tout amour du monde, de même que la racine des vices en tant que vice est l’amour du monde remplissant le coeur. Je viens d’écrire à l’un des frères – après avoir expliqué que la cause du libertinage est l’amour du monde, puisque celui qui se tourne entièrement, coeur et membres, vers le monde, est le grand libertin et le grand pêcheur; et si la foi n’était pas établie dans son coeur, nous dirions même qu’il est l’incroyant; occupez-vous donc de ce qui tue votre ego et vivifie votre coeur, comme nous vous disions, car il n’y a pour nous d’accès à la Présence de notre Seigneur qu’après la mort de notre ego, quoi que nous fassions, comme le dit le vénérable maître, le saint Abu Madyân (que Dieu soit satisfait de lui): « Qui ne meurt pas, ne voit pas Dieu. » Un de nos frères se plaignit chez nous d’un oppresseur qui le persécutait; à cela, nous lui répondîmes: « Si tu désires tuer celui qui t’opprime, alors tue ton ego (nafs), car en le tuant, tu tueras tous les oppresseurs. » Que Dieu maudisse ceux qui mentent.
La voie dévotionnelle du soufisme en Irak du VIIIe au IXe siècle : Le soufisme est une voie mystique de l’Islam. Il naît en réaction à une religion, qui après une incroyable expansion durant un siècle, se tourne vers le matériel au détriment du Sacré. Les premiers soufis apparaissent à la fin du VIIe siècle. Ils mènent une vie vagabonde, ascétique et contemplative dans le désert, et ont pour unique Dessein de se fondre dans la divinité. Hasan Basri peut être considéré comme le premier maître soufi. Il prône un mépris du monde radical et invite chacun à faire son examen de conscience. Il est le premier à parler du désir réciproque entre Dieu et l’homme. Râbi’a al Adawyya, esclave affranchie, parle d’un amour gratuit et absolu pour Dieu. C’est un amour dévorant et obsessif qui la consume constamment. Abu Yazid Bistami est un ascète solitaire qui prône une voie extatique. Il est le premier à chercher à reproduire l’ascension nocturne de Mahomet et à parler de l’annihilation en Dieu (fanâ). Dhu-l-Nûn l’Égyptien définit les stations et états sur la voie menant à Dieu. Son amour pour Dieu est déchirant et sensuel, et il invite à contempler ce qui est beau comme création de Dieu. Il est l’un des premiers propagateurs des séances d’audition spirituelle (samâ). Al-Hallâj place l’expérience au premier plan et marque une rupture avec la religion même. Il mène une vie de prédicateur errant et va jusqu’aux portes de la Chine en prêchant à tous l’amour pour Dieu et l’union transformante avec Dieu par l’amour comme but ultime pour tous les êtres humains. Ses poèmes traduisent l’expérience de l’entrée dans le Profond comme d’une fusion avec Dieu. L’expérience de ces mystiques s’accumule, elle est ordonnée et, à la fin du IXe siècle, on y trouve toutes les bases qui permettront l’expansion soufie postérieure qui étendra le monde musulman du Sénégal à l’Indonésie.
Il y a trois techniques contemplatives qui permettent l’entrée dans le Profond : l’invocation ou souvenir de Dieu (dhikr), l’audition spirituelle ou concert spirituel (samâ) et la contemplation de la beauté. Le dhikr est utilisé par tous les courants soufis. L’invocation est une façon d’être dans le monde et un refuge pour le croyant. Le pratiquant répète l’un des 99 plus beaux Noms de Dieu. Chacun d’eux produit sur lui l’effet voulu et lui permet de progresser sur la voie. Mais la principale invocation est : « Il n’y a pas de Dieu, sinon Dieu ». Le dhikr a plusieurs couches selon les profondeurs du cœur : la poitrine, le cœur, le cœur intérieur et le cœur caché. L’attention restant fixée sur l’invocation, le pratiquant immerge progressivement en lui-même jusqu’à l’extinction (fanâ), c’est-à-dire la suspension du moi, et l’entrée dans le Profond impulsée par le Dessein. L’audition spirituelle (samâ) consiste en l’écoute de poésies chantées accompagnées de flûte, tambour, battements des mains ou de danse. Elle réveille des significations profondes qui émeuvent fortement le disciple. Ceci, combiné à la répétition du dhikr intérieur et à des mouvements circulaires du corps, permet l’immersion en soi jusqu’à la suspension du moi et l’entrée dans les Espaces Sacrés. La contemplation de la beauté est une pratique peu développée et critiquée au sein même de la communauté soufie. On trouve ses racines dans le manichéisme (la religion de la Beauté), ainsi que dans l’amour udhrite (courtois) qui a lui-même pour origine la poésie préislamique des peuples du désert. La contemplation de jeunes gens provoque chez le mystique une transe passagère car elle réveille la charge du Complément et de significations profondes. L’attention focalisée sur un point d’observation de plus en plus intérieur immerge le mystique en lui-même et c’est ainsi qu’il est absorbé vers les espaces profonds.
Pour conclure que le soufisme est une ascèse de type dévotionnelle à composante énergétique qui s’est construite sur la base de l’accumulation d’expériences de mystiques au cours des VIIIe et IXe siècles. Ces mystiques, poussés par le Dessein de se fondre en Dieu et à travers divers procédés contemplatifs, manient leur énergie à partir du plexus cardiaque et c’est à partir du cœur qu’ils entrent dans le Profond. Leur Dessein se manifeste en un style de vie qui gravite autour d’un état de conscience inspirée, ce qui les conduira à témoigner et à transmettre leur expérience jusqu’aux portes de la Chine. En revanche, on ne retrouve pas pour la période étudiée, la systématisation d’une expérience fondamentale structurée en pas, qui permettrait de reconnaître une éventuelle discipline dévotionnelle .
Le soufisme naît en réaction aux califes omeyyades, qui se préoccupent plus des richesses que leur apportent leurs nouvelles conquêtes que de religion. Ils sont de plus en plus éloignés des gens et l’Islam confié aux docteurs de la Loi est de plus en plus externe.
L’explication de leur nom la plus courante est qu’ils se couvraient d’un manteau de laine grossière (sûf) montrant par là que « ce sont des hommes qui ont délaissé ce bas monde, ont quitté leur demeure, ont fui leurs amis, parcourant les pays, le ventre creux, dénudés, ne prenant des choses d’ici-bas que l’indispensable pour avoir une tenue décente et calmer leur faim »… Selon Sarrâj, leur nom ne fait pas référence à un état spirituel car il n’est pas figé, les Soufis avancent constamment d’un état à l’autre.
Les premiers Soufis apparaissent dès la fin du VIIe siècle. Ils mènent une vie ascétique et contemplative dans le désert ou dans des lieux isolés, loin de la vanité du monde. Ils ne visent qu’à remonter à la source pour vivre l’Union avec Dieu… « C’est de Dieu qu’est venu leur compréhension, c’est vers Dieu qu’ils ont marché, c’est de tout ce qui n’était pas Dieu qu’ils se sont détournés ».
Le fait que les docteurs de la loi ne fassent appel qu’à des livres et des épîtres pour donner réponse à tout, signifie pour eux un relâchement de la recherche de Dieu, une perte de sens où la réalité a disparu et ne restent que des mots vides. Ils privilégient l’expérience interne et directe du contact avec Dieu et ne se contentent pas de suivre la Loi ou d’accomplir les cinq piliers de l’Islam. Ils sont tellement obsédés par la fusion avec Dieu qu’on les appellera aussi « les fous de Dieu ».
Ces ascètes vivent isolés les uns des autres et il n’y a pas de doctrine commune. Durant le premier siècle de l’hégire, les cas d’ascèse se multiplient que ce soit à Médine, La Mecque, Damas, Basra, Kufa ou au Yémen… Certains deviennent prédicateurs et tâchent de réveiller la ferveur des croyants en racontant des récits eschatologiques avec des visions parfois terrifiantes.
Beaucoup de ces mystiques ont une vie vagabonde. Lorsqu’ils reconnaissent certaines personnes plus avancées sur le chemin, ils leur demandent direction spirituelle. De là viendront peu à peu les premiers regroupements, non pas autour d’un enseignement car il n’y a pas de théorie théosophique, mais plutôt autour de l’expérience.
Cet ascétisme des premiers temps est austère et pessimiste. On peut imaginer que de nombreuses expériences mystiques ont été notamment dues aux jeûnes extrêmes. Ceux-ci en générant une énorme quantité de toxines dans le flux sanguin intoxiquent le corps. Et les ascètes peuvent vivre alors des expériences mystiques par intoxication du corps, sans aucun contrôle sur ce qui leur arrive.
Mais les émotions négatives des premiers temps vont être transformées en ardente ferveur notamment avec Râbi’a al- Adawiyya qui introduit le thème de l’amour pour Dieu puis Abu Yazid Bistami qui incite à l’ivresse mystique… Peu à peu, l’expérience va se structurer. Des maîtres seront reconnus pouvant guider le novice de la Loi révélée (shar’ia) jusqu’à la Réalité divine (Haqiqa). Cette voie (tariqa), qui mène l’âme vers Dieu, comporte des étapes, mais l’enseignement du soufisme reste limité à un cercle restreint d’initiés et il est transmis de façon orale jusqu’au XIe siècle car les Soufis, échappant à tout contrôle, sont persécutés par les docteurs de la Loi (ulémas) qui voient en eux un risque de perdre leur pouvoir.
En effet, les Soufis s’appuient plus volontiers sur ce que leur dicte leur expérience interne que sur l’interprétation des textes qui constitue la science des ulémas. Pour ne pas risquer d’être emprisonnés, ils essaient de ne pas exprimer en public leur extase mystique : « Ô Dieu ! En public, je t’appelle « Mon Seigneur », mais lorsque je suis seul je t’appelle « Ô ! mon Amour ! »
Si l’initiation au soufisme reste restreinte à peu de gens, les concerts spirituels soufis (samâ) sont populaires. Ils sont composés de chants religieux accompagnés parfois de tambours, flûtes, et danses sacrées auxquels s’ajoutera plus tard la pratique du dhikr collectif. Ces pratiques extatiques apparaissent au IXe siècle et sont mal perçues par les Orthodoxes conservateurs qui y voient des résurgences de pratiques païennes.
« Vérité, nous ne t’avons pas trouvée,
Voilà pourquoi de notre danse nous frappons le sol…. Reprochera-t-on la danse,
Au vagabond fou de Toi que je suis ?
Dans ta vallée nous allons,
Voilà pourquoi nous frappons le sol ».
À l’opposé de la voie extatique initiée par Bistami, un autre mystique, Junayd tentera de faire une synthèse équilibrée des différentes expériences soufies en veillant à ne pas prêter le flanc aux Orthodoxes… Il esquisse un système théosophique cohérent et représente la voie de la sobriété. Il sera considéré plus tard par les différentes confréries comme le père de l’École de Bagdad.
Mais avec Al-Hallâj, l’opposition avec les ulémas va atteindre son paroxysme. Al- Hallâj mène une vie de prédicateur errant. Il va jusqu’aux portes de la Chine en prêchant à tous l’amour pour Dieu et l’union avec Dieu par l’amour comme but ultime pour tout être humain. Il sera aussi critiqué au sein du courant soufi pour avoir dévoilé à tous, les secrets du mysticisme soufi qui étaient, selon eux, réservés à l’élite des « privilégiés ». Il se situe dans la lignée des Soufis « ivres de Dieu », comme Bistami. Il est condamné à mort après avoir dit dans son extase « Je suis la Vérité (Dieu) » et après un jugement qui durera sept mois, il est décapité.
Au Xe siècle apparaissent les premiers ouvrages qui compilent et ordonnent l’expérience des Soufis par écrit en une doctrine commune. Certains, écrits de façon simple, serviront de pont entre les mystiques et l’ensemble de la communauté. L’étape de formation du mouvement soufi semble alors terminée.
Au XIe siècle, Ghazali consacre sa vie à faire réhabiliter le soufisme auprès de la communauté musulmane. Lui-même, après avoir été un enseignant prestigieux à Bagdad, avait sombré dans une crise religieuse. C’est avec la découverte du soufisme qu’il retrouve sa foi. Il considère alors le soufisme comme l’aspect le plus élevé de la religion et se lance dans l’écriture de « la revivification des sciences de la religion ».
Le soufisme connaît au XIIe siècle une expansion et une créativité incroyables avec les génies que sont notamment Kubra en Asie Centrale ou Sohawardi et Ruzbehan en Iran… Au XIIIe siècle apparaissent Rumî en Anatolie et Ibn Arabi en Andalousie, qui portent le soufisme à son sommet.
Des confréries commencent à se former au XIIIe siècle. Le mot tarika ne désigne plus maintenant la voie, mais les confréries. Ce sont les centres à partir desquels se diffuse le soufisme. Les confréries sont aussi les lieux de la religion populaire. Ainsi dans les quartiers, elles accomplissent des fonctions d’éducation, d’accompagnement des plus déshérités. Ce sont des lieux de prière, de chant, de méditation et de célébration.
Les confréries ont leurs règles, l’enseignement est conforme à la voie du maître (sheikh) qui lui a donné origine et se transmet selon une généalogie mystique… Signalons simplement que peu à peu, au fur et à mesure de leur reconnaissance par les légalistes, ces confréries vont s’institutionnaliser et s’éloigner de l’expérience originelle.
Le soufisme est populaire car il apporte le souffle du cœur à l’Islam et parce qu’il a la capacité de s’adapter à toutes les cultures. Il permet une nouvelle expansion du monde musulman qui s’étend alors du Sénégal à l’Indonésie, de la Somalie à la Chine .
On peut considérer Hassan Basri (642 – 728), comme le premier maître soufi… Alors que durant le IIe siècle de l’hégire, le goût des biens matériels augmente, il prône un mépris radical du monde.
« Sois avec ce monde-ci comme si tu n’y avais jamais été, et avec l’Autre comme si tu ne devais plus le quitter ».
« Ô fils d’Adam, tu mourras seul, tu entreras seul dans la tombe et tu seras ressuscité seul, et c’est à toi seul qu’on demandera les comptes »!
Cela fait référence à la nécessité de mourir durant cette vie, qui apparaît dans le Coran. Cette mort au monde est celle qui précède une seconde naissance.
Pour lui, la simple application des rites de façon mécanique, n’est pas suffisante. Ce qu’il juge essentiel ce n’est pas l’acte de les faire, mais l’intention avec laquelle ils sont faits. « C’est l’intention (niyah) que l’on doit purifier de toute vaine gloire ».
Il rejette aussi bien le piétisme aveuglément affectif que l’hypocrisie des jurisconsultes
« Nul n’a une foi véritable tant qu’il persiste à reprocher aux autres les fautes qu’il commet lui-même, et à leur prescrire une réforme qu’il n’a pas entreprise pour son compte ».
« Ah ! Si seulement dans vos cœurs, je rencontrais de la vie ! Les hommes sont passés comme l’empuse (insecte) ; je perçois un murmure, je ne vois rien d’aimant : on m’apporte les langues à foison, mais ce que je cherche, ce sont des cœurs ; vos intellects s’égarent à poursuivre les papillons de l’enfer et les mouches de la convoitise ».
Il reproche aux canonistes leur manque de cœur et élabore une « science du cœur ».
Hassan Basri amène chaque personne à se recueillir intérieurement pour faire son examen de conscience : « Serais-tu satisfait de l’état (hâl) où tu te trouves en ce moment, si c’était celui où la mort viendrait te surprendre » ?
Il est le premier à parler du désir réciproque entre Dieu et l’homme en utilisant le mot ishq qui signifie « désir passionné ».
« Du moment que la préoccupation dominante en mon cher serviteur, devient celle de se souvenir de Moi, je lui fais trouver son bonheur et sa joie à se souvenir de Moi. Et, lorsque je lui ai fait trouver son bonheur et sa joie à se souvenir de Moi, il Me désire et Je le désire. Et lorsqu’il Me désire, Je deviens un ensemble de repères devant ses yeux… De tels hommes ne m’oublient pas lorsque les autres oublient ».
Cette recherche de vie parfaite durant cette vie, inspirée par « le désir de Dieu » (son Dessein), irrite les Imâmites qui veulent avoir le « monopole » de la sainteté.
De plus, ils lui reprochent sa neutralité dans les conflits : « Il explique nettement que c’est en faisant pénitence, non en tirant l’épée, qu’on obtient de Dieu le redressement des injustices sociales ».
« La goutte d’eau tant qu’elle reste goutte d’eau doit dire je suis une goutte d’eau ! mais quand tombe dans l’océan elle doit dire : je suis l’océan ! »
Mansur Al-Hallaj en criant « je suis Dieu » il a osé embrasé ceux qui l’écoute du feu de son propre embrasement, Il fut condamné à mort pour hérésie et trahison.
Lorsqu’il a été décapité son sang qui coulait aurait écrit sur le sol Allah Allah en 84 endroits nombre des faux témoins.
Lettres d’un maître soufi-Le sheikh Al-‘Arabi Ad-Darqâwî – Traduit par Titus Burckhardt- Introduction et Lettre 1:Al- ‘Arabi ad-Darqawi décrit sa première rencontre avec son maître spirituel
L’auteur des lettres dont nous présentons ici la traduction française, le sheikh al-‘Arabt’ ad-Darqâwî al-Hassani, vécut au Maroc et y mourut en 1239 de l’hégire (1823) à l’âge d’environ quatre-vingts ans. Son souvenir est toujours vivant; chaque année encore son tombeau a Bou Berîb, chez les Beni Zarwâl, attire une foule de pèlerins. Quant aux historiens modernes du Maghreb et aux islamologues, ils n’ignorent pas le rôle du célèbre sheikh comme rénovateur de l’ordre shâdhilite, dont le premier essor, au septième siècle de l’hégire, était également parti du Maroc pour gagner presque tout le monde musulman. Il existe cependant une tendance à sous-estimer l’œuvre spirituelle du sheikh Darqâwi, parce qu’on admet trop facilement que le taçawwuf n’a cessé de déchoir après une époque de grande floraison, celle des Junayd, Ghazâlî, Abu Madyan et Ibn ‘Arabi al-Hatimi tous les soufis nés dans les derniers trois ou quatre siècles ne seraient alors que des « épigones ». On oublie qu’une décadence, dans l’ordre spirituel, ne peut jamais être un phénomène général et univoque; les saints échappent aux fatalités historiques: « l’Esprit souffle où il veut ». Certes, al-‘Arabî ad-Darqawî a lui-même parlé du « temps d’obscurcissement » dans lequel il vivait; mais si l’on considère la pléiade de grands spirituels parmi ses disciples on est porté à croire que tout « âge sombre » comporte des éclaircies. Quant à l’enseignement du sheikh, tel qu’il ressort de ces quelques extraits de lettres adressées à ses disciples, il peut se comparer à celui des vrais maîtres de tous les temps, par son contenu doctrinal autant que par sa spontanéité spirituelle. Il est vrai qu’il apparaît comme relativement populaire; sa forme d’expression est simple et directe; mais elle n’en est pas moins profonde.
Le sheikh ne parle que du seul nécessaire; il évite toute spéculation qui anticiperait inutilement sur le « travail » spirituel; son enseignement reste, sans préjudice pour l’élévation du but, un taçawwuf éminemment pratique, et c’est en cela, sans doute, qu’il est adapté aux conditions particulières de l’époque.
Une autre raison pour laquelle l’oeuvre spirituelle du sheikh Darqâwî n’est pas estimée à sa juste valeur, réside dans le fait que plusieurs de ses disciples, devenus à leur tour des maîtres éminent on prêté leur nom à telle ou telle branche de l’ordre. Mais il serait erroné d’y voir la marque d’une scission, car les membres de ces diverses branches n’ont jamais cessé de se considérer comme des Darqâwâ, ou plus généralement comme des Shâdhiliyyah, même s’ils se désignent couramment par le nom du fondateur le plus proche dans leur « chaîne » initiatique (silsilah). Ainsi par exemple, la branche fondée par Muhammad Hassan Zâfir al-Madani, un disciple direct du sheikh Darqâwî et dont l’activité eut pour centre Misurata en Libye, est généralement connue sous le nom de tarîqali Madaniyyah. Un des maîtres les plus remarquables de cette branche fut le sherif ‘Ah Nar ad-Dm al-Yashritî, qui vécut de 1793 à 1898 de l’ère chrétienne et fonda des zawâyâ1 en Palestine et en Syrie.
Un autre disciple du sheikh Darqawî, Muhammad al Fâsi, vécut au Caire et à Colombo, où ses adhérents sont généralement connus comme des Shâdhiliyyah.
Mentionnons aussi le célèbre sheikh algérien Ahmad al-‘Alâwî mort en 7935 à Mostaghanem, qui relève d’une autre « chaîne » remontant au sheikh Darqâwî. Ses disciples étaient répandus dans toute l’Afrique du nord, en Syrie, en Arabie du sud et jusqu’à Java. Dans ses écrits et notamment dans ses poésies, on retrouve la vision aquiline des grands soufis du moyen âge 3.
Il serait facile de multiplier ces exemples; ceux que nous venons de mentionner suffiront pour montrer le rayonnement qu’eut l’oeuvre spirituelle du sheikh Darqawî. Il ne faut pas oublier, cependant, que ce rayonnement n’est guère comparable à celui d’un « génie » au sens courant du terme, d’un grand penseur, artiste ou homme de science; car un maître soufi n’ « ‘invente » rien; s’il est une source spirituelle immédiate et originale, il est aussi et en même temps le canal d’une eau qui vient de l’origine même de la tradition. La vérité ou réalité (haqiqah) qu’un maître spirituel manifeste, dépasse immensément tout individu. De ce fait, la spontanéité spirituelle, chez les maîtres du taçawwuf, ne contredit jamais leur adhésion à la tradition, bien au contraire: chacun d’eux est « unique » dans la mesure même où il est « héritier ».
Mawlây aI- ‘Arabi ad-Darqawî se réfère souvent à son propre maître, le sherîf Abul-Hassan ‘Ah ben ‘Abd- Allâh al-‘Imranî al-Hassani, surnommé al-Jamal (le chameau). Ce maître, qu’il rencontra à Fès en 1182 (1767/68), vivait dans l’obscurité, connu par quelques disciples seulement. On le considère cependant comme un des grands « pôles » de l’ordre shâdhilite dans le Maghreb. Mais c’est à son disciple al-‘Arabi ad-Darqawî qu’il échut de répandre l’héritage spirituel de la tarîqah shâdhiliyyah dans tout le Maghreb et au delà.
Le recueil des lettres (rasâli) du sheikh Darqâwî fut constitué par lui-même, copié par ses disciples et imprimé à maintes reprises à Fès, en écriture lithographiée. Il est encore lu et commenté dans les zawâyâ de filiation darqawite.
Ce recueil contient environ 300 lettres: nos extraits n’en représentent donc qu’une partie très restreinte.
On y trouvera néanmoins tous les aspects essentiels de l’enseignement du sheikh. L’ordre des lettres, dans le recueil original, obéit sans doute à des intentions didactiques; pour les extraits, nous avons respecté cet ordre dans l’ensemble, tout en nous permettant de grouper les textes apparentés.
Sans prétention je suis descendante du Sheikh al-Darqâwî du côté maternel et descendante du côté paternel du Sheikh Al Bûzaydi de mostaganem en Algérie. J’ai baignée toute mon enfance dans la zawiya al’ Alâwiyya. ..ma famille maternelle était descendante des Béni Zerroual …
Dans ses lettres le Sheikh al-Darqâwî disait – A chaque fois que vous terminez une bonne action, n’ayez de cesse d’en entreprendre une autre.
– Salutations et paix sur notre maître Muhammad et sa famille. Louange à Allah qui a placé dans chaque âge celui qui appelle à Allah et qui est un guide pour le traitement des maladies du nafus (c’est-à-dire l’ego) et sur le chemin du redressement des cœurs. Celui qui répond à son appel est heureux. Celui qui est arrogant ou timide continue avec la corde entravée de sa maladie. SubhannAllah (Gloire à Dieu, Allah) ! Il purifie le cœur de qui Il veut de Ses esclaves et en fait des Imams sur le chemin de la conduite guidée. Ils voyagent sur le Chemin d’Allah et ils reconnaissent ses états. Ils ont un aperçu des machinations des nafs. Ils connaissent ses actions. Leur Maître les a guidés vers Son Chemin après beaucoup d’efforts. Ils ont été mis au repos après la lutte et la souffrance. Ils se sont approchés de leur Maître avec une intention sincère et leur Maître s’est approché d’eux comme il sied à l’essence sublime.
Salam Alkm.
Nb : C’est à Tijditt, faubourg de Mostaganem en 1869 que naquit Ahmed ben ‘Aliwa, plus connu sous le nom d’al-‘Alawi,et décédé le 14 juillet 1934 .
@Jasmine L129
Ma shaa Allah, moi ce sont mes recherches d’enseignement qui m’ont conduit à Al-Iskandari puis à lui, j’ai les lectures audio de ses lettres et des hikame qui me servent de berceuse et de méditation, qu’Allah soit satisfait d’eux tous.
« La goutte d’eau tant qu’elle reste goutte d’eau doit dire je suis une goutte d’eau ! mais quand tombe dans l’océan elle doit dire : je suis l’océan ! »
Mansur Al-Hallaj en criant « je suis Dieu » il a osé embrasé ceux qui l’écoute du feu de son propre embrasement, Il fut condamné à mort pour hérésie et trahison.
Lorsqu’il a été décapité son sang qui coulait aurait écrit sur le sol Allah Allah en 84 endroits nombre des faux témoins.
Lettres d’un Maître Soufi Ibn Arabi Ad-Darqawi.
Lettre 5 – Sur la réalisation
Si tu désires que ton chemin se raccourcisse pour que tu arrives rapidement à la réalisation, tu pratiqueras les oeuvres de caractère « nécessaire » (al-wâjibat) et celles « surérogatoires fermement recommandées » (ma taakada min nawfili-lkhayrât); apprends de la science extérieure ce qui en est indispensable pour servir Dieu, mais ne t’y attardes pas, car on ne te demande pas de l’approfondir; c’est la science intérieure qu’il te faut approfondir; et combats la convoitise; alors tu verras merveille. Le « caractère noble » n’est autre chose que la taçawwuf chez les Soufis, comme il est la religion chez les hommes de religion; et que Dieu maudisse ceux qui mentent!
De même, fuis toujours la sensualité 1, car elle est l’opposé de la spiritualité, et les opposés ne se rejoignent pas. A mesure que tu renforces les sens, tu t’affaibliras en l’esprit, et inversement. Entends ce qui est arrivé à notre maître (que Dieu soit satisfait de lui) au début de son chemin. Il venait de battre trois mesures de blé et le fit savoir à son maître, le seigneur al-‘Arabî ben ‘AbdAllâh, qui lui dit: « Si tu augmentes dans l’ordre des sens, tu diminueras dans celui de l’esprit, et si tu diminues en celui-là, tu augmenteras en celui-ci ». La chose est évidente, car aussi longtemps que tu fraye avec les gens (du monde), jamais tu ne sentiras en eux le parfum de l’esprit; tu ne sentiras que l’odeur de la sueur, et cela vient de ce que la sensualité les a subjugués; elle a saisi leurs cours et leurs membres; ils ne trouvent leur avantage qu’en elle, de sorte qu’ils ne bavardent et ne s occupent et ne se réjouissent que d’elle et ne peuvent guère s’en détacher; et pourtant, nombreux sont ceux qui s en sont détachés pour se plonger dans l’esprit leur vie durant; que Dieu soit content d’eux et qu’il nous fasse profiter de leur bénédiction, Amen, Amen, Amen! – C’est comme si Dieu (exalté soit-Il) ne leur avait pas donné d’esprit (c’est-à-dire aux gens du monde), bien que chacun d’eux y participe, de même que les vagues font partie de l’océan. S’ils le savaient, ils ne s’en laisseraient pas distraire par les choses sensibles; et s’ils le savaient, ils découvriraient en eux-mêmes des océans sans bornes; et Dieu est garant de ce que nous disons –
1 Al-hiss, la sensualité au sens plus large du terme, c’est-à-dire l’attachement à l’expérience sensible.
Chapitre 9
– Dieu est bien trop magnanime pour récompenser Son serviteur à terme, quand celui-ci Le sert comptant.
– Qu’il te suffise comme récompense de Sa part qu’Il te juge digne de Lui obéir.
– A ceux qui pratiquent les bonnes œuvres suffisent comme récompense les ouvertures (futûhât) qu’Il accorde à leurs cœurs lorsqu’ils Lui obéissent, et les faveurs (wârid) dont Il les comble en les faisant jouir de Son intimité confiante (mu’anasa).
– Qui sert Dieu dans l’espoir d’une récompense, ou dans la pensée que ses actes d’obéissance écarteront de lui le châtiment venant de Dieu, ne rend pas justice à Ses qualités.
– Quand Il te donne, Il te témoigne Sa bonté ; quand Il te prive, Il te témoigne Sa
puissance contraignante (qahr). Dans tout cela, Il se fait connaître à toi, et vient à toi avec Sa bienveillance.
– Si la privation te fait souffrir, c’est parce que tu ne vois pas Dieu en elle.
– Il se peut que Dieu t’ouvre la porte de l’obéissance sans t’avoir ouvert celle de Son agrément, mais il se peut également qu’Il détermine un péché de ta part, et que celui-ci soit la cause de ton arrivée à Lui.
– Un acte de désobéissance qui inspire l’humilité et le sentiment du besoin (de Dieu) est préférable à un acte d’obéissance qui engendre l’outrecuidance et l’orgueil.
– Deux grâces sont attachées nécessairement à toute chose crée : la grâce de l’existentiation et la grâce de l’entretien.
– Il t’a donné d’abord la grâce de l’existence, puis celle de Son assistance ininterrompue.
– Ton indigence t’est essentiellement inhérente, et les épreuves qui te frappent (en ce monde) ne font que te rappeler ce qui t’en échappait, car l’indigence essentielle n’est pas
abolie par les contingences (heureuses).
– Le meilleur de tes instants est celui où tu es conscient de ton besoin (de Dieu) et tu es ramené à la réalité de ton humble condition.
– Quand Il t’inspire de l’éloignement pour les créatures sache qu’Il veut t’ouvrir la porte de Son intimité confiante.
– Quand Dieu délie ta langue en t’inspirant de Le prier sache qu’Il veut t’exaucer.
– Au connaissant (ârif) jamais n’échappe le sentiment de son besoin extrême (de Dieu) ; jamais il ne s’attache à un autre que Dieu.
– Dieu a éclairé les choses extérieures par les lumières de ses créatures, et Il a éclairé les consciences intimes (sarâ’ir) par les lumières de Ses propres qualités. C’est pourquoi la lumière des choses apparentes décline et disparaît et que ne décline pas la lumière des cœurs et des consciences intimes ; ainsi qu’on l’a dit :
« Le soleil du jour disparaît la nuit, alors que le soleil des cœurs ne disparaît jamais ».
Chapitre 9
– Dieu est bien trop magnanime pour récompenser Son serviteur à terme, quand celui-ci
Le sert comptant.
– Qu’il te suffise comme récompense de Sa part qu’Il te juge digne de Lui obéir.
– A ceux qui pratiquent les bonnes œuvres suffisent comme récompense les ouvertures
(futûhât) qu’Il accorde à leurs cœurs lorsqu’ils Lui obéissent, et les faveurs (wârid) dont Il
les comble en les faisant jouir de Son intimité confiante (mu’anasa).
– Qui sert Dieu dans l’espoir d’une récompense, ou dans la pensée que ses actes
d’obéissance écarteront de lui le châtiment venant de Dieu, ne rend pas justice à Ses
qualités.
– Quand Il te donne, Il te témoigne Sa bonté ; quand Il te prive, Il te témoigne Sa
puissance contraignante (qahr). Dans tout cela, Il se fait connaître à toi, et vient à toi avec
Sa bienveillance.
– Si la privation te fait souffrir, c’est parce que tu ne vois pas Dieu en elle.
– Il se peut que Dieu t’ouvre la porte de l’obéissance sans t’avoir ouvert celle de Son
agrément, mais il se peut également qu’Il détermine un péché de ta part, et que celui-ci
soit la cause de ton arrivée à Lui.
– Un acte de désobéissance qui inspire l’humilité et le sentiment du besoin (de Dieu) est
préférable à un acte d’obéissance qui engendre l’outrecuidance et l’orgueil.
– Deux grâces sont attachées nécessairement à toute chose crée : la grâce de
l’existentiation et la grâce de l’entretien.
– Il t’a donné d’abord la grâce de l’existence, puis celle de Son assistance ininterrompue.
– Ton indigence t’est essentiellement inhérente, et les épreuves qui te frappent (en ce
monde) ne font que te rappeler ce qui t’en échappait, car l’indigence essentielle n’est pas
abolie par les contingences (heureuses).
– Le meilleur de tes instants est celui où tu es conscient de ton besoin (de Dieu) et tu es
ramené à la réalité de ton humble condition.
– Quand Il t’inspire de l’éloignement pour les créatures sache qu’Il veut t’ouvrir la porte de
Son intimité confiante.
– Quand Dieu délie ta langue en t’inspirant de Le prier sache qu’Il veut t’exaucer.
– Au connaissant (ârif) jamais n’échappe le sentiment de son besoin extrême (de Dieu) ;
jamais il ne s’attache à un autre que Dieu.
– Dieu a éclairé les choses extérieures par les lumières de ses créatures, et Il a éclairé les consciences intimes (sarâ’ir) par les lumières de Ses propres qualités. C’est pourquoi la
lumière des choses apparentes décline et disparaît et que ne décline pas la lumière des
cœurs et des consciences intimes ; ainsi qu’on l’a dit :
« Le soleil du jour disparaît la nuit, alors que le soleil des cœurs ne disparaît jamais.»
Chapitre 10
– Qu’il allège la souffrance que te causent Ses épreuves le fait de savoir que c’est Lui qui
t’éprouve ! Car Celui qui t’a confronté avec Ses décrets est le même qui t’a habitué à
constater qu’Il choisit pour toi le mieux.
– Croire que Sa bonté peut-être séparée de Ses décrets, c’est avoir une vision bien limitée.
– Il n’est pas à craindre pour toi que les voies se confondent ; ce qu’il y a à craindre pour
toi, c’est que les passions ne triomphent de toi.
– Gloire à Celui qui a caché le mystère de la sainteté (khuçûçiyya) sous l’extérieur de la
nature humaine (bashariyya) et qui a manifesté Sa magnificence seigneuriale (rubûbiyya)
en faisant apparaître l’état de servitude (‘ubûdiyya).
– Ne récrimine pas lorsque Dieu tarde à t’accrocher ce que tu Lui as demandé ; récrimine
plutôt contre ton manque d’égards envers Lui.
– Lorsque Dieu te met à même d’obéir à Son commandement dans ton comportement
extérieur, et de t’abandonner intérieurement à Sa volonté contraignante, Il t’accorde la
plus grande des faveurs.
– Les élus ne parviennent pas tous à la délivrance.
Chapitre 8
– Ce que tu peux demander de mieux, c’est ce qu’Il demande de toi.
– S’attrister d’avoir omis obéir à un commandement divin sans se lever pour réparer cette
omission, c’est signe d’aveuglement.
– Le « connaissant » (ârif), ce n’est pas celui qui, parlant par allusion, trouve que Dieu
Réalité est plus près de lui que ses allusions ; mais le connaissant est celui qui n’a plus
d’allusion à cause de son anéantissement dans l’Etre et de son absorption dans la
contemplation de Dieu.
– Le véritable espoir est accompagné d’action : sinon il ne s’agit que d’un souhait.
– Le « connaissant » (ârif) demande à Dieu d’être sincère dans son service, et d’observer les
droits de la Seigneurie.
– Il t’a favorisé de l’épanouissement (al-bast) de ton cœur pour te délivrer de l’état de
resserrement (al-qabd) ; puis Il t’a donné le resserrement afin de ne pas t’abandonner
dans l’état d’épanouissement ; enfin Il t’a fait sortir de ces deux états afin que tu
n’appartiennes à rien en dehors de Lui.
– Dans l’épanouissement du cœur, les connaissants éprouvent une crainte plus grande que
dans le resserrement.
– Rares sont ceux qui, dans l’épanouissement, observent les règles du respect (adab).
– Dans l’épanouissement du cœur, l’âme passionnelle (nafs) prend sa part en éprouvant de
la joie ; dans le resserrement, elle n’a aucune part.
– Souvent Son don est privation ; souvent Sa privation est un don.
– Toutes les fois qu’Il t’ouvre la porte de la compréhension à l’occasion d’une privation, il
t’apparaît que cette privation est au fait un don.
– le dehors des choses créées est illusion séduisante : leur intérieur est un avertissement.
– L’âme passionnelle (nafs) regarde l’extérieur séduisant ; le cœur regarde le dedans, plein
d’enseignement.
– Si tu veux obtenir un honneur perdurable, ne recherche pas une puissance éphémère.
– La véritable « bilocation » (tayy) consiste à plier l’espace de ce bas-monde si bien que tu
voies la vie future plus proche de toi que toi-même.
– Don reçu des créatures est privation , privation imposée par Dieu est un bienfait
Chapitre 7
– Il est rare que les inspirations divines (wârid) se produisent autrement qu’à l’improviste ;
et cela afin d’empêcher les adorateurs de prétendre qu’elles sont la conséquence
nécessaire de leur préparation spirituelle (isti’dâd).
– Si tu vois quelqu’un répondre à toutes les questions qu’on lui pose, exprimant toutes ses
expériences, mentionnant tout ce qu’il a appris, conclus de là qu’il existe chez lui une
certaine dose d’ignorance.
– Si Dieu a assigné la demeure dernière comme lieu où seront récompensés Ses serviteurs
croyants, c’est parce que cette demeure (terrestre) n’est pas assez vaste pour contenir ce
qu’Il veut leur donner; Il a en effet pour eux une telle considération qu’Il refuse de les
récompenser dans une demeure éphémère.
– Trouver promptement le fruit de son action est la preuve que cette action sera agréée.
– Si tu veux connaître ton rang auprès de Dieu, vois la station où Il te maintient.
– Lorsque Dieu t’accorde le pouvoir de Lui obéir et de ne penser qu’à Lui, en oubliant cette
obéissance, sache qu’Il t’a alors comblé de Ses grâces apparentes et cachées.